J'aime bien les dystopies. C'est un genre de fiction qui peut donner d'excellentes oeuvres, peu importe le médium. Et parmi ces oeuvres, il y en a une que j'adore, qui m'a presque marqué au fer rouge, Brazil de Terry Gilliam.

Il fait partie de ces films que j'ai beaucoup aimé lors d'un premier visionnage, puis qui me trotte dans la tête jusqu'à m'obséder avant de le regarder une seconde fois. Et c'est lors du second visionnage que j'ai réalisé à quel point ce film est fantastique.

Dans un lointain futur, vit Sam Lowry. Ce dernier travaille au bureau des archives, dans une société autoritaire bureaucratique où la moindre chose demande une quantité aberrante de formulaires. Dans le monde des rêves, ce cher Sam se voit en guerrier ailé, sauvant une belle inconnue, loin de l'opressante réalité où tout n'est que travail et consommation. Malheureusement pour lui, un bête effet papillon va foutre sa petite routine en l'air...

Voilà donc les grandes lignes, mais en réalité, nous sommes face à une histoire bien plus riche et complexe que cela.

Réalisé par l'un des ex-membre de la troupe des Monty Python, Brazil est donc un film de science-fiction/d'anticipation/comédie qui eut un succès plutôt secondaire à l'époque mais qui est désormais considéré comme un film culte. Et à vrai dire, j'ai tellement de choses à dire que je ne sais même pas par où commencer !

Je vais donc vous présenter trois arguments qui font de Brazil un film génial et de loin l'un de mes films préférés.

Déjà, il faut vous dire que Brazil n'est pas une dystopie comme les autres. Face à Soleil Vert, Gataca ou encore Bioshock, ce film est un bien étrange OVNI. On retrouve pourtant tous les éléments phares d'un bon cauchemar d'anticipation : société contrôlé par les élites, misère sociale, propagande, overdose de sécurité, avancées technologiques majeures etc. . Mais ici c'est différent, à première vue, tout semble moins cruel, moins opressant, baigné d'une douce ironie. Ce monde de grattes-ciels et de grilles-pains automatiques cache en réalité bien son jeu, le monde de Brazil est tout aussi cauchemardesque que d'autres oeuvres du même registre.

Et c'est justement ce qui fait la force de ce film selon moi : les deux côtés de l'iceberg.

À prime abord on est face à un film de SF loufoque, rempli de détails rigolos et de personnages farfelus. Il y a une musique entraînante, des décors tantôt grandioses tantôt bizarres, un protagoniste rêveur et naïf. Et puis vient la douche froide, la vérité dont on connaît l'existence mais dont on essaie d'oublier la présence dès le début.

Les attaques terroristes, la paranoïa, la société de cosommation si grotesque qu'elle en devient effrayante, les arrestations d'opposants politiques, et la descente aux enfers du protagoniste, qu'on espère voir libre mais qui finit encore plus mal qu'au départ.

Voilà pourquoi Brazil marche si bien, durant deux heures trente de long métrage on prie pour que cette histoire se finisse bien, on espère que tout ne reste qu'un film d'anticipation comique; mais dans le fond, on finit bien vite par savoir comment tout cela va se finir...

En lien avec la toile de fonc et l'univer englobant le film, je peux vous parler des décors. Que serait une bonne dystopie sans décors marquants ? En tant que fan de la licence Bioshock, je peux vous dire que je prête autant d'importance à l'histoire qu'aux décors.

Tout paraît si grand, vaste, immense, CYCLOPÉEN ! Tous ces immeubles hauts de centaines d'étages, ces halls vastes comme le Colisée...Et le protagoniste, si petit dans cette architecture de colosse.

Les grands décors sont dans un style art décor vraiment très beau, on se croirait dans les halls de vieux grattes-ciels new-yorkais. Et à l'opposé, il y a les appartements microscopiques d'où pendent des tuyaux et des câbles de toutes les couleurs et de toutes les tailles, tels de gros serpents capablent d'engloutir ces humains réduits à la taille de fourmis.

Ajoutez à ça, que le film se déroule aux alentours des fêtes de Noël, vous trouverez donc d'immondes petits sapins en plastique et des guirlandes de papier qui ne font qu'un avec les tuyaux.

En fait, il y a deux types de décors dans le film : les décors organisés et propres, comme les bureaux et les halls par exemple; et les décors bordéliques et sales, comme les rues et les appartements. Décidément, tout semble aller par paire de contraires dans l'étrange monde de Brazil !

Esthétiquement, c'est presque steampunk en fait, et je parlai de Bioshock plus haut, mais il est probable que les développeurs de la saga se soient bien inspirés du film de Gilliam.

Troisième élément qui fait de Brazil une oeuvre incroyable : son protagoniste, Sam Lowry.

Sam est comme n'importe quel type censée qui travaille dans un bureau, il en a assez de la routine. Il continue son travail parce c'est comme ça, mais il aimerait tant pouvoir arrêter. C'est un rêveur, perdu, presque ahuri. Ce gars-là n'a rien d'un héros et pourtant on a envie de l'aimer, on l'aime pour ses défauts et pour les mésaventures qu'il subit. Et dans le fond, ce qui rend ce personnage si appréciable et humain c'est le simple fait qu'il ait des rêves et des espoirs. Pas la peine de jouer les rationnels, nous rêvons tous de merveilles impossibles et nous gardons espoir même quand tout tout tourne mal.

Aussi, Lowry possède de nombreux points communs avec Winston Smith, le héros de 1984 d'Orwell. Ils sont tous les deux employés dans un secteur bureaucratique, membres d'un système qu'ils détestent mais dont ils sont obligés de faire partie, amoureux d'une femme faisant partie des rebelles, et finissant dans une fin tragique et morbide.

Et si Gilman s'est inspiré de nombreuses oeuvres pour créer son univers, 1984 est probablement sa source d'inspiration majeure.

Il y a tant de choses à dire sur Brazil, cette expérience cinématographique qui commence comme un rêve loufoque et qui se termine comme le plus affreux des cauchemars. C'est un peu une sorte de trip merveilleux, une orgie d'idées et d'éléments qui semblent à première vue chaotiques mais qui en fin de compte forment une harmonie.

Un délire sur la chirurgie esthétique, des techniciens qui se noient dans des eaux usées, une salle de torture vaste comme un réacteur nucléaire, des montagnes de paperasse, De Niro en chauffagiste terroriste...

Même au-delà de la bizarrerie qui tourne à l'horreur, Gilman a crée un film profond et intelligent, satire de la société de consommation où tout doit être regleménté, tout beau tout propre ! Parmi les nombreuses dystopies d'anticipationqui peuplent le monde des arts, Brazil est peut-être celle qui a le mieux réussit à prévoir le futur en restant peu fantaisiste et invraisemblable. Et oui, ce qui est étrange n'est pas toujours iréel !


La magie de Brazil c'est un peu la magie du cinéma, le fait d'avoir tout et son contraire, et que cela soit incroyablement efficace. Incroyable comme un ange en armure dans une salle des archives...

Arthur-Dunwich
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le 25 sept. 2022

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Arthur Dunwich

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