[Storytime introductif, réflexion nostalgique]


Dans notre parcours en quête d'oeuvres, il y a toujours des gens pour nous faire découvrir de nouveaux horizons : des proches, des connaissances ou de parfaits inconnus sur des sites internet. Personnellement, je dois beaucoup à mon premier petit ami, qui m'a introduit à des films et des univers qui me sont très chers (Le Seigneur des Anneaux notamment). Et parmi ces quelques films que nous avons regardés, collés l'un contre l'autre dans un lit, un ordinateur posé sur nos genoux, il y avait Le Roi et l'Oiseau. Un film qui m'a rappelé à quel point j'aime le cinéma d'animation.


Sorti en 1980, Le Roi et l'Oiseau est donc un film animé réalisé par Paul Grimault et écrit par Jacques Prévert qui s'est inspiré du conte La Bergère et le Ramoneur.

Cette histoire se déroule dans le royaume de Takicardie, où règne le roi Charles-V-et-trois-font-huit-et-huit-font-seize, un tyran mégalomane et solitaire qui vit dans une immense cité-palais. Ce régent tombe amoureux d'une bergère présente dans l'un des tableaux décorant ses appartements privés, mais cette dernière préfère fuir avec un ramoneur vivant dans une autre peinture. Les deux tourteraux tentent de s'enfuir de ce royaume colossal, aidés par un oiseau coloré qui est l'ennemi juré du roi.


Le film a eu un développement long et fastidieux, avec des changements de financeurs, de compositeurs et tout un tas de galères qui feront qu'il sortira trente après sa sortie initiale prévue en 1953. Aujourd'hui, il est considéré comme un chef-d'oeuvre du cinéma français; Car n'oublions pas que notre hexagone à la bonne odeur de calendos et de pinot noir est un important pionnier dans le monde des images animées.


Comme dit rapidement plus haut, il a fallu du temps pour que cette histoire d'oiseau anti-monarchie voit vraiment le jour. Mais le résultat est absolument louable.

Esthétiquement parlant c'est très joli ! C'est coloré, les environnements sont variés et la patte graphique a à la fois un charme très simple et une grande beauté. Les personnages ont une apparence un peu cartoonesque, mais les décors dans lesquels ils évoluent sont dignes de tableaux des beaux-arts : tout le film dégage une force picturale qui est vraiment merveilleuse. On ressent l'inspiration de la peinture, mais aussi de nombreuses formes d'architectures ainsi que d'autres oeuvre culturelles (notamment Metropolis de Fritz Lang). Et ce qui rend les images encore plus belles à voir c'est leur durée; elles s'enchaînent à un rythme léger qui nous font profiter de ce monde fantastique qui nous entoure.

À ça s'ajoute une animation que je n'ai retrouvée nulle part ailleurs. Au premier visionnage je la trouvais trop lente et pas assez fluide, mais maintenant je réalise à quel point elle est en harmonie avec les images fixes. Les mouvements sont des personnages sont fins, délicats et précis, ce ne sont pas des morceaux de pâte à modeler qui se tortillent dans tous les sens comme dans un vulgaire cartoon, non c'est bien plus que cela. Les personnages sont des dessins, de beaux dessins grâcieux qui s'animent sur des tableaux.


Le film a déjà beaucoup pour plaire, avec cette touche visuelle magnifique. Et en plus de ça il se permet une touche d'humour tout aussi efficace.

Comme pour l'animation, les gags ne sont pas criards ou explosifs, ils sont plus subtils et bien écrits. Ça n'empêche pas la présence de burlesque ou de running gags farfelus qui font bien rire : le roi colérique et ses boutons qui envoient aux oubliettes ceux qui le contrarient, les policiers et leur gaffes, et quelques jeux de mots et réflexions sorties du bec de l'oiseau qui sont tout aussi poétiques que rigolotes.

Et rien que dès l'introduction, on sent que cette histoire est loufoque, et elle le devient encore plus au fil de la narration, sans jamais tomber dans le ridicule ou le stupide.


Ah, la poésie ! Un point important du film, puisqu'il a été en partie écrit par un poète. Même si je ne connais pas vraiment l'oeuvre de Prévert ni même la poésie en générale, je peux affirmer que ce film est de la pure poésie illustrée. Ces images et ces dialogues s'articulent autour d'une pensée : une ode à la liberté. Toute l'oeuvre est remplie de métaphores et de satires.

Bien sûr, le pouvoir et la royauté sont largement critiqués, mais aussi l'industrie et le capitalisme; représentés par l'immense robot royal et la fabrique d'art où les employés se tuent à la tâche. La majorité des habitants de ce royaume n'ont rien pour se défendre et ne survivent que grâce à leurs rêves et leurs espoirs. Alors quand un oiseau parlant et deux jeunes amoureux débarquent dans leur ville grise et misérable, leur coeur s'emplit de joie.

Bien sûr, toute cette histoire s'achève par le triomphe du couple et des oiseaux, envoyant valdinguer le roi dans le ciel grâce à une bourrasque de vent. Et c'est là que repose la vraie force de cette oeuvre, utiliser les images plutôt que les mots, voilà ce que c'est que du cinéma d'animation ! Quand la puissance des dessins et des couleurs permettent de raconter tout autant de belles choses que des phrases. Les phrases disparaissent dans le vent, mais les images restent gravés.


Ainsi, Le Roi et L'Oiseau est une merveille du cinéma français. Ce n'est pas une grande aventure remplie de gags et d'action, mais un conte subtil et doux come un vent de printemps, porté par la belle musique de Wojciech Kilar. Une belle histoire, toute aussi bien écrite que celles que l'on peut lire dans les livres, mais qu'on lit ici avec nos yeux. Et que ce soit avec des yeux d'adulte nostalgique, d'enfant fasciné ou d'adolescent mélancolique, on ne peut qu'aimer ce chef d'oeuvre animé.


Merci Axel.


L'âne, le roi et moi,

Nous serons mort demain.

L'âne de faim,

Le roi d'ennui,

Et moi d'amour.

L'âne, le roi et moi,

Nous serons mort demain.

L'âne de faim,

Le roi d'ennui,

Et moi d'amour.

Au mois de mai,

Le vie est une cerise,

La mort est un noyau,

L'amour un cerisier.

Arthur-Dunwich
8
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le 12 mars 2023

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Arthur Dunwich

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