Tout d'abord, il faut dire que j'ai regardé ce film dans des conditions parfaites : sous ma couette, dans le noir, pour pouvoir apprécier au maximum cette histoire d'amour et être effrayé dans les moments de terreur. C'est peut-être grâce à l'environnement dans lequel je l'ai regardé que ce film m'a beaucoup plu et obsédé.

Plus une histoire d'amour qu'un film d'horreur, Bones and All a été classé à tort dans le rayon "films d'horreur gore traumatisants" ce que je trouve dommage et débile étant donné qu'il n'y a que quatre scènes de cannibalisme (et principalement en hors champ). J'ai donc été happé par la romance plus que par le côté horrifique, même si ce dernier pouvait par moment donner plus de profondeur et de viscéralité à l'histoire.

Les paysages sont magnifiques, les acteurs sont fantastiques et la musique, bien que peu présente, créée un total contraste avec l'oeuvre grâce à ses mélodies sucrées (je reviendrais sur ce qui m'a dérangé dans cette dernière à la fin de la critique), alors que les images projetées sont celles d'une romance passionnelle et compliquée entre deux êtres torturés.

Alors il faut savoir que j'ai adoré "Suspiria" (2018) du même Luca Guadagnino, contrairement à l'énorme majorité de ceux qui l'ont vu, film qui était vraiment dans l'horreur pure du début à la fin. Là, on a le droit à un long-métrage majoritairement en plein air, sous le soleil et qui offre des échappées lumineuses et amoureuses, toujours désamorcées par une terreur insidieuse, d'une rare beauté. Taylor Russell est une belle révélation et Timothée Chalamet se confirme, malgré cette fadeur de jeu qui ne m'est plus désagréable et qui est même assez glamour. Le film a quand même un côté horrifique, il faut le dire, et certains second rôles sont bien flippants comme Mark Rylance "Sully", qui mélange la fragilité à la férocité et qui excelle (notamment dans une des scènes de fin, bien dérangeante) dans ce rôle de vieux tordu manique et Michael Stuhlbarg, dans un rôle bien différent de celui qu'il incarnait dans "Call me by your name". La mère de Maren (Chloë Sevigny) est assez dérangeante aussi.

Mais, comme dit précédemment, l'important n'est pas l'horreur mais cette histoire d'amour qui devient de plus en plus profonde au fur et à mesure du film. Cette histoire d'amour, elle a de la chair. On sait dès le début comment ça va se terminer, on le devine, mais cette romance entre ces deux jeunes gens empêchés par leurs pulsions cannibales n'en devient que plus tragique et touchante. Ils sont beaux et impressionnants de justesse. Dans la deuxième partie du film, où l'horreur s'efface pendant près d'une heure, on a droit à des scènes plastiquement magnifiques, des sentiments qu'on ressent viscéralement, des scènes pudiques et bouleversantes, bref, un vrai film sur l'amour et la passion.

Ensuite, et c'est mon interprétation, j'ai trouvé que l'horreur, dans cette quête des origines, était là pour relever cette histoire d'amour, la rendre dangereuse et vouée à l'échec, le cannibalisme et les pulsions mortelles étant comme une prophétie dont l'aboutissement ne peut être que brutal et tragique.

Et l'ambiance, l'ambiance qui est le terreau de ce film, l'ambiance bien tordue dans laquelle se mouvent avec difficulté les protagonistes de l'histoire, l'ambiance avec un grand A, qui est peu à peu créée grâce au montage, à la musique, aux images, aux scènes, glauques et belles à la fois, l'ambiance qui est un art que Guadagnino manie à la perfection, l'ambiance sur laquelle on pose une histoire, l'ambiance qui est la base de tout.

Alors, pourquoi seulement 8/10 ? Déjà parce qu'aucun film n'est parfait, que j'ai pu trouver quelques longueurs, et une musique trop omniprésente (bien que discrète) à la fin (toujours la même pendant plus d'une heure). Aussi parce que j'ai pu être un peu déçu par l'effacement au fur et à mesure du film du côté horreur gore, que j'espérais plus marqué pour créer encore plus le contraste avec cette douce et cruelle romance.

Mais, passé cette parenthèse, je tiens à dire que ce film est assez magnifique, autant esthétiquement que moralement. Les relations entre les personnages peuvent être autant saines que perverses, le mélange des genres est assez bluffant et la caméra de Guadagnino ainsi que son montage (les cauchemars) nous emmènent dans une nouvelle dimension cinématographique, où l'expérimental côtoie les genres académiques, où l'horreur n'est pas réduite aux jumpscares, où la terreur est recherchée et viscérale, où la romance n'est pas réduite à des gens qui pleurent mais est traitée avec de vraies émotions, une vraie douceur mélangée à une noirceur et une perversité qui ne sortiront jamais des corps et des pensées des protagonistes. Magnifique, viscéral, et qui reste dans la tête longtemps après avoir été vu. C'est un film qui obsède (comme marqué sur l'affiche).

Chapeau, Guadagnino.

17/20

Je conseille ce film à partir de 15 ans (quelques scènes terrifiantes et une ambiance bien tordue quand même)

Phantasmagoria
8
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le 24 déc. 2022

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Phantasmagoria

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