Un initié y trouvera sans doute son compte... Entre passion et furie, il est possible que cet opéra-rock soit un modèle du genre et qu'il devienne une référence pour les adeptes. Mais pour un simple néophyte, un chalan attiré par l'affiche accrocheuse et son casting étoilé, "Annette" restera au mieux un objet cinématographique difficilement identifiable, au pire une gêne mal définie.
Les comédiens sont impeccables, ils débordent de charisme et affichent un talent indéniable pour l'interprétation musicale. Adam Driver, écorché vif, ajoute une corde supplémentaire à son arc d'artiste déjà incroyablement fourni. Marion Cotillard, lumineusement sombre, confirme sa capacité à se fondre dans tous les genres. Le scénario se tient, sans grande épaisseur mais sans faille non plus. La bande-son est lancinante à souhait, elle accompagne parfaitement une photographie léchée et faussement désuète. Le film recèle enfin d'authentiques moments de poésie, comme cette virée à moto, effrénée, passionnée et chantée ou encore cet ultime face à face poignant entre une fille et son père aux maturités inversées (mention spéciale à la très jeune Devyn Mc Dowell, impressionnante de justesse).
Et pourtant... tous ces éléments devraient nous happer, nous ne le sommes que par trop brèves intermittences... Nous sommes pris d'emblée à témoins par le réalisateur mais il ne revient plus vers nous... La mise en abyme ouvrant le film est efficace mais perd son sens en disparaissant totalement au profit d'une descente... aux abymes. Un peu facile. Finalement, nous assistons à la mise en images et musique de névroses et fantasmes qui interpellent le réalisateur mais dont la démesure provoque paradoxalement notre indifférence. Le choix d'un duo formé par une cantatrice lyrique et un blouson noir pour interpréter un opéra-rock, l'enfant marionnette venant à la vie après sa prise de conscience existentielle, un prénom marquant le prolongement voire la réincarnation de la mère (Ann... ette) ou encore l'utilisation de l'eau comme antithèse de la Vie... de symboliques faciles en outrances allant jusqu'à l'indécence, ce dernier film de Leos Carax nous donne l'impression d'être davantage une œuvre personnelle et égoïste qu'un partage artistique. Ceci dit, le réalisateur, raflant au passage le prix de la mise en scène au dernier festival de Cannes, se dévoile quelque peu au démarrage du film en s'adressant directement à l'assemblée de la salle obscure : "Taisez-vous ! Si vous souhaitez parler, (...), roter ou péter, alors faites-le dans votre tête !". Effectivement, sitôt assis nous étions prévenus...

Jimbodo
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le 22 juil. 2021

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