Benedetta : presque une pénitence !...

Mais qu'avait donc en tête le réalisateur néerlandais Paul Verhoeven en s'emparant de l'histoire controversée de cette nonne illuminée et lesbienne du 17ème siècle ?... À l'image des films majeurs constituant son œuvre (Turkish Délices, Basic Instinct, Black book, Starship Troopers, Showgirls, Elle) il a convoqué des thèmes qui lui sont chers : le sexe, la violence et la religion. Il est évident que Verhoeven se refuse à instiller la moindre leçon de morale dans sa pratique artistique mais alors que "diable" peut-il bien vouloir nous dire au travers de son excessive Benedetta ?...
La religion comme élément de pouvoir et de manipulation, l'homosexualité féminine et plus généralement la liberté de la femme dans une société patriarcale sont des thèmes qui invitent à la réflexion. Pourquoi nous les proposer de manière aussi caricaturale ?...
Sur la forme, la caméra très académique, la photographie sans relief, la direction d'acteurs imprécise et les dialogues anachroniques livrés par des dictions contemporaines sont autant de freins à l'immersion dans cette chronique qui emprunte son décor à la grande Histoire sans en retranscrire la saveur. Pourtant, un monastère toscan du 17ème siècle au moment de la contre-réforme italienne et une épidémie de peste vécue comme un châtiment divin semblaient offrir un endroit et un contexte propices à la création d'une atmosphère particulière et mémorable (comme Jean-Jacques Annaud avait su le faire pour son adaptation du Nom de la Rose en 1986). De plus, la complaisance avec laquelle Verhoeven film les scènes de violence et de lesbianisme nous entraine vers un voyeurisme forcé dont on interroge la finalité. Filmer avec excès, notamment certains travers que l'on entend dénoncer, engendre un tel paradoxe que le doute s'installe au sujet des véritables aspirations du cinéaste. Les thématiques abordées et les questions manifestement soulevées sont intéressantes :
Visions, manipulation ou folie ?
Opposition entre conviction religieuse d'une part, orgueil et vanité d'autre part.
Honnêteté intellectuelle contre opportunisme.
Malheureusement elles s'effacent au profit de scènes scabreuses voire outrancières maintes fois répétées. Et pour le spectateur qui ne ressent pas le même plaisir à regarder ces scènes que le cinéaste semble en éprouver à les tourner, le film devient un défi visuel longuet et sans intérêt, presque une pénitence...

Jimbodo
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le 8 août 2021

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Jimbodo

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