The Fabelmans est un film d’apprentissage aussi émouvant qu’instructif, faisant répondre au récit familial la naissance d’une vocation. Et pas n’importe quelle vocation, puisqu’il s’agit de celle d’un des plus grands cinéastes actuels, Steven Spielberg, qui n’avait jamais livré un film aussi frontalement autobiographique.

Car Sam est évidemment l’avatar du réalisateur, jeune lycéen juif dans l’Amérique des années 50, ballotté entre l’Ohio, l’Arizona et la Californie au grès des difficultés auxquelles sont confrontés ses parents.

Couvée par une mère artiste fantasque et fragile psychologiquement qui l’encourage dans sa passion, incompris par un père aimant mais trop terre à terre pour voir autre chose qu’un hobby dans la passion de Sam et pour se résoudre à voir les problèmes de son couple, le garçon se réfugie dans le cinéma qu’il a découvert, traumatisé, lors d’une projection du film Sous le plus grand chapiteau du monde. Une expérience qui virera à l’obsession et ne sera digérée que lorsqu’il aura su reproduire avec ses trains électriques l’accident qu’il a vu à l’écran. Une épiphanie qui marque la naissance d’un cinéaste et se révèle fascinant. Les projets suivants, films de famille, western avec ses camarades de classe, documentaire sur la fête de fin d’année du lycée, représentent autant de mises en abimes étourdissantes, la caméra de Steven Spielberg captant ses débuts, suggérant son perfectionnisme et posant les bases de son futur de réalisateur, avec nostalgie mais sans complaisance ni nombrilisme. Il le fait dans une mise en scène évidemment brillante qui raconte par elle-même le chemin parcouru. Tout est pensé pour fluidifier la narration, délivrer des plans sublimes et/ou émouvant. Les dialogues, fins et subtiles appuient un montage intelligent, alternant les moments doux, parfois drôles et les passages plus douloureux. Le jeu de miroir entre le présent et le passé traduit l’essence du cinéma de Spielberg : la force de l’image, la puissance de l’émotion et le pouvoir de la suggestion. Le cinéma a tout autant le pouvoir de capter la vérité que de tordre la réalité.

Steven Spielberg parvient habilement à conjuguer la chronique familiale (où brille Michelle Williams, exceptionnelle) et l’éveil artistique de son alter ego. En filmant The Fabelmans, le réalisateur star rend hommage aux siens et à son métier. En faisant ce qu’il fait de mieux, un grand film.

Thibault_du_Verne
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le 7 mars 2023

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