Après le génial Once Upon a Time... in Hollywood de Tarantino, tous les cinéastes américains prestigieux semblent à leur tour vouloir réaliser leur petite déclaration d'amour au cinéma et au temps de leur jeunesse, de PTA à Chazelle en passant par Gray. Dans le cas de Steven Spielberg, le projet fait s'attendre à tout. Nous savons à quel point l'œuvre du cinéaste peut être passionnante d'invention naïve et émerveillée comme désolante de niaiserie familialiste. Et c'est malheureusement la seconde possibilité qui l'emporte.

Conforté dans son statue de génie-patron du divertissement, Steven sacrifie la sincérité à l'enrobage, et l'épopée au mythe familialiste américain. Et ce n'est pas un euphémisme d'écrire que l'ensemble en est vidé de toute sa substance. The Fabelmans est un film creux à tous les niveaux, où chaque personnage n'est rien d'autre qu'une fonction. Steven cherche à leur donner un semblant de profondeur en entraînant les acteurs dans un surjeu vite insupportable, mention spéciale à Michelle Williams qui ne sait tellement pas quoi faire de ce rôle d'une mère sans aspérité qu'elle ne trouve rien d'autre que de déballer une surenchère performative de gymnastique faciale, enchaînant tout une palette d'émotions forcées sonnant atrocement faux.

Les références que fait Spielberg à son œuvre ainsi que les petits clins d'œil au public sont lourdement appuyés, et on a bien du mal à croire en sa fameuse "déclaration d'amour au cinéma" quand chaque instant où l'on voit son personnage expérimenter le matériel filmique témoigne moins d'un appétit de mise en scène que de prétextes scénaristiques visant à la progression d'une intrigue bête et convenue, du divorce des parents qui, à en juger par le traitement du cinéaste, est pour le publique américain un enjeu dramatique équivalent à une tragédie d'Euripide (je sais que c'est un élément de sa vie qui l'a marqué, mais la mise en scène est tellement hystérique qu'il est difficile de ne pas y voir un triomphe de la séduction complaisante), au passage du héros au lycée qui est le terrain d'un empilement de lieux communs dignes d'une production Disney Channel.

La réalisation "dynamique" tient d'avantage de l'esbrouffe visant à tenir le spectateur en éveil qu'à l'expression d'une vitalité passionnelle dont Spielberg voudrait donner l'illusion.

Il y a une scène amusante dans le film : le caméo de David Lynch en John Ford. Le reste ne justifie guère le déplacement.

Je suis comme tout le monde Steven, je t'aime beaucoup. Mais la marée de Jaws s'est retirée, emportant Rencontre du Troisième Type, Indiana Jones, Jurassic Park, Minority Report, La guerre des mondes. Quand à The Fabelmans, il ne nous montre qu'un Spielberg resté sur le sable.

grisbi54
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le 29 janv. 2023

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