Suite aux nombreuses plaintes des spectateurs pour irritations oculaires, saignement des oreilles, crises d’épilepsie et de narcolepsie, la commission du CNC a diligenté une enquête. Les extraits de certaines dépositions permettent d’y voir plus clair.


John Hodge ; scénariste :


On l’a pas vu venir. Mais c’est bien le sujet du film. A l’époque du premier, les gens faisaient moins les chochottes. Aujourd’hui, c’est bien être et coaching à tous les étages, et réseaux sociaux pour donner un écho à tes vociférations. Ce film est le miroir fidèle de son époque : s’il est détestable, c’est parce que les gens le sont.
Dans votre face, hein ?
Et puis vous exagérez aussi, parce qu’on a mis de l’humour, avec des coups de beignes à coups de chiottes, des godes ceinture comme dans Deadpool, et de l’accent hyper écossais. Et on est dans le thriller, avec un bag of money, comme dans la première trilogie de Danny, des voitures, des parkings souterrains, Begbie qui fait du Jack Torrance, je sais pas ce qu’il vous faut.
Faut savoir ce que les gens veulent, aussi. On était bien clair avec Irvin et Danny : il fallait strictement respecter un cahier des charges. Le vomi dans le sac à suicide, la violence, les WC immondes, la scène de shoot, même si elle n’a scénaristiquement aucun sens, c’était attendu. On a même mis plein de flashs du premier pour ceux qu’auraient oublié, et même des souvenirs d’enfance en plus. CQFD.


Dod Mantle, chef opérateur.


On se connait bien avec Danny. Il sait de quoi je suis capable. Chez moi, les couleurs sont des soldats et les filtres leurs armes létales. Il faut les voir comme des symboles des émotions vives des personnages, quand ils prennent du viagra, tout est bleu, vous comprenez le principe ? Il faut coller à l’ère du temps. Trainspotting était un film fauché, et l’image dégueulasse collait aux junkies. Aujourd’hui, c’est l’ère du numérique. Je sais filmer les gens de la même manière qu’ils se voient par smartphone interposés. Allez voir Snowden, vous comprendrez. Alors on imprime les SMS à l’écran, on met des projections sur les carrosseries de voitures, des filtres Instagram pour les souvenirs, des masques Snapchat pour le délire, des répliques qui s’affichent avec un éclat arc-en-ciel, les numéros d’étage sur une façade d’immeuble tout ça, quoi.
C’était compliqué d’éclairer tout ça, parce que la caméra n’est jamais à une place conventionnelle. C’est un expérimentateur, Danny. Il te la fout dans tous les sens : un demi-visage, un point de vue depuis les draps, depuis un micro, au ras du sol, des plongées depuis le haut des immeubles… Il veut que ça bouge tout le temps : les parois d’une chambre feront des kilomètres à l’infini en zoom arrière, et les trains vont clignoter de l’extérieur pour la scène finale de baston. Les gens le savent ; ça fait quand même presque 15 ans qu’on fait ce genre de films avec Danny.


Jon Harris, monteur.


Je vous cache pas que ça me met un peu en rogne d’entendre ce genre de plaintes. Je fais ça depuis un moment avec Danny, et les gens disaient rien. Et puis j’ai vu Lucy, qui en terme de montage est d’une audace folle, et je m’en suis inspiré. En gros, quand on dit un truc, on le met en plan cut. Dynamique, explicite, speedé. A l’inverse, par moments, on fige l’image : contrepoint, mise en valeur, rupture. Pour les transitions, le time lapse fait très bien l’affaire : sommaire, profusion urbaine, nouveau regard sur la vanité humaine. Après, si les vieux de 40 balais supportent pas, c’est qu’ils doivent peut-être passer le relai à la nouvelle génération.


Allan Jenkins, monteur musique.


Air du temps : Queen, Frankie Goes to Hollywwod, et des remixes, plein. Lust for life, par exemple, il ose pas le mettre sur son vinyle, et quand il le met, surprise : c’est pas la version d’origine. Malin, non ?

Sergent_Pepper
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le 6 mars 2017

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