Spaceman
5.5
Spaceman

Film de Johan Renck (2024)

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Quelques petites anomalies excitent la curiosité dans l’exposition de Spaceman : l’absence de date, l’étrange sentiment d’évoluer au sein d’une uchronie dans laquelle les astronautes tchèques dominent la conquête spatiale, et une mission assez floue concernant des illuminations cosmiques sur lesquelles on restera volontiers elliptiques.

Le travail sur la direction artistique, axé sur un une SF vintage, n’est pas déplaisant, et s’accorde avec une humanité qui semble déjà dépassée, à l’image de ce pilote solo, lancé à la dérive et peinant à rester en contact avec son épouse.


Les cartes se dévoilent évidemment très vite, l’odyssée se muant en trip philosophique : le pilote cohabite avec une entité extra-terrestre arachnide lui disant ses quatre vérités tandis que les grandes révélations cosmiques le happent littéralement. Spaceman se heurte donc aux grands modèles du genre, 2001 et Solaris, au risque de rester dans leur orbite, dans un vol stationnaire un peu maladroit – ce qui adviendra.


Tout n’est certes pas à jeter dans ce récit qui prend le temps de travailler un rythme fondé sur le désœuvrement et la solitude, et une relation évoluant de l’effroi basique face au monstre à une disponibilité nouvelle à l’autre et à ceux restés au sol.


Mais c’est bien là que le film s’embourbe : dans ces ressorts de conte philosophique, le didactisme poussif s’installe, la créature passant son temps à verbaliser ce que la solitude aurait pu expérimenter par l’émotion ou l’image. Johan Renck, qui sait clairement filmer, craint trop de manquer certains enjeux, sature son récit d’illustrations, à l’image de ces redondants flash-backs assortis de distorsions et d’alourdissements narratifs (la culpabilité du père à porter, la fausse-couche…), en contrepoint de la phrase prononcée par une responsable de mission spatiale, expliquant à l’épouse sur le départ que « The silence is the point ».


Ajoutons à cela un glissement vers la mièvrerie et des confessions autour d’un pot de pate à tartiner tandis que les mélopées d’un Max Richter en autocitation font mal leur boulot, et les aînés Kubrick et Tarkovski s’éloignent à la vitesse de la lumière, le voyage gardant finalement les bornes bien réduites d’un drame de chambre avec retour du mari au domicile conjugal, ayant bien appris sa leçon sur la disponibilité qu’on attend de lui, et que le film s’est cru devoir appliquer à son propre discours.

Sergent_Pepper
4
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le 6 mars 2024

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Sergent_Pepper

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