Spaceman
5.5
Spaceman

Film de Johan Renck (2024)

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Dans l'espace, personne ne vous entend ronfler

Les amateurs de SF vont être déçus, les amateurs de romance triste vont être déçus, les amateurs de psyché-mindfuck vont être déçus, les amateurs de rôles féminins renouvelés vont être énervés (le film ne passe pas le test de Bechdel), les amateurs d'Adam Sandler diront qu'il n'avait rien à se mettre sous la dent.

Dès le début, les amateurs de SF vont avoir du mal à rentrer dans le film. Parce qu'une mission aux confins du système solaire, ben on sait bien aujourd'hui que ça ne serait pas une mission solo. Ensuite, un type tout seul à bord aurait quand même un paquet de trucs à faire, mais là, rien, à part répéter la phase de collecte d'échantillons et (ne pas) réparer les chiottes. Les premiers mots avec le centre Huston local sont "as-tu changé les joints toriques" ? On a vu plus pointu comme échange technique entre scientifiques !

Bon, le gars est en mission spatiale depuis six mois, et c'est à ce moment-là que sa femme lui envoie un message annonçant qu'elle le quitte. Trop sympa, la nana ! Trop consciente des enjeux !

Les gens sur Terre décident de ne pas lui envoyer le message, de lui mentir, et ils vont passer tout le film à essayer de convaincre sa femme de l'appeler. Tout l'activité du centre spatial se résume à ça : s'assurer que Adam Sandler va bien, ne pas réaliser qu'il ment, et essayer de convaincre sa femme de revenir. Vous pouvez d'ailleurs regarder en accéléré toutes les scènes se passant sur Terre, elles ne servent strictement à rien, spoiler: la femme finit par revenir...


Si vous aviez déjà des réserves sur "Ad Astra" (à part l'excellente d'attaque de pirates sur la lune), épargnez-vous Spaceman. Il n'y a même pas une scène un peu kiffante à sauver. Au lieu d'aller régler son Œdipe avec son père aux confins de l'univers, comme Brad Pitt, il faut 1h38 à Adam Sandler pour réaliser qu'il était un gros égoïste. Le film fait une sorte de digest des thématiques du Solaris de Tarkovski (l'être venu d'ailleurs sonde les souvenirs d'Adam Sandler et lui organise une petite séance de psychanalyse télépathique), et le final est un succédané sirupeux, nimbée de musique lofi, de celui de "2001 odyssée de l'espace".


Tout ça tendrait dans une direction : la SF n'est qu'un prétexte pour raconter ce voyage intérieur que le personnage fait jusqu'à se rendre compte qu'il était un fieffé égoïste affectivement décérébré. Ce qui lui permettra in fine de reconquérir sa femme d'un simple coup de fil bien senti. Oui, tout ça pour ça.


Parlons de la créature : c'est la grosse araignée du Seigneur des Anneaux ! (ou celle qu'on aperçoit brièvement dans "Enemy", de Denis Villeneuve) Mais pourquoi ?! Pourquoi, en 2024, faire encore un extraterrestre ayant l'apparence d'un insecte ? Et puis son laïus sur "votre espèce me fascine, maigre humain" est d'un lassant... (Tout comme sa façon de finir toutes ses phrases par "maigre humain"). Toutes ses considérations pseudo-philo nous laissent de marbre. Sa meilleure réplique c'est lorsqu'au lieu de demander des œufs, elle, qui a pourtant appris toutes les langues de la Terre, demande "des ovules de genre aviaire". C'est la seule réplique que je garde du film !

On dérive dans un film à la dérive, qui confond nappes de synthé et réflexion profonde.

L'effet un peu rétro de la technologie spatiale tchèque ne prend pas : encore un autre emprunt malheureux, la série Tchernobyl avait fait tellement mieux, et For All Mankind aussi...


Sachant son dispositif fragile, le réal ajoute artificiellement une couche méta en laissant planer le doute quant à l'existence réelle de la créature (car les capteurs du vaisseau ne le signalent pas au centre spatial). Et si tout ça n'était qu'une hallu, un rêve éveillé suite à la consommation excessive de somnifères fournis par un des sponsors de la mission ? Et ben OSEFoutrait encore plus : entre un astronaute qui a des hallus ou un astronaute qui rencontre une intelligence extraterrestre, vous préférez voir quel film ? Ben oui. Moi aussi.

Les VFX sont du même acabit : même les VFX d'Annihilation étaient plus réussis !

Bref, une énième déception pour une prod Netflix, qui feraient bien d'investir dans de vrais producteurs, pour aider les artistes à accoucher de la meilleur œuvre possible, au lieu de se contenter d'être de simples financiers.

Je mets 4 étoiles par générosité, par respect pour le travail des équipes, et pour Adam Sandler.

DrFMrM
4
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le 2 mars 2024

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