Si le premier volet s’appuyait sur la fatalité d’un univers violent et irréparable, cette suite emprunte une nouvelle direction, sans sombrer dans l’écueil. Nous l’avons redouté avec le départ de Villeneuve, mais sans le capitaine, il reste toujours l’étendard et un matelot pour éviter le naufrage. Taylor Sheridan impulse son nouveau récit par le biais du terrorisme, toujours d’actualité. Mêlant tout cela avec la culture Mexicaine et Américaine, c’est notamment avec Stefano Sollima que l’on découvre les cicatrices d’un monde de terreur et de souffrance.


Moins géopolitique que l’introduction laisse sous-entendre, un portrait d’une menace réelle et insaisissable se confirme. Les bases du premier film ont bien été reprises afin de canaliser une énergie haineuse et d’action. L’évolution reste cohérente, connaissant les tendances internationales du moment. La crainte nourrit alors l’intrigue de discours implicite dont l’état américain pense pouvoir gérer ce conflit de l’ombre, un conflit ouvert tout comme les frontières qui s’effrite au fur et à mesure que l’attention baisse. Matt Graver (Josh Broslin) est le principal porte-parole de ce gouvernement qui tend à redorer l’aspect de sécurité intérieur. Mais avant que le mal atteigne leur porte, il est judicieux de la neutraliser à la source, ou bien de rediriger le mauvais flux qui s’en dégage. Le dilemme est complet, alors que les résultats ne sont pas toujours ceux que l’on croit.


La patte Villeneuve s’efface lentement et la transition avec un style plus accessible se concrétise. Le ballet balistique propose bien évidemment de la tension, mais rien d’aussi rafraîchissant qu’auparavant. Même le côté glaçant de la chose se dissipe par moment, dû à un nouveau traitement pour les personnages. Alejandro (Benicio Del Toro), le tueur sans scrupule, dévoile son aspect humain et il s’expose beaucoup trop à la politique du pardon. Il est sage d’aborder la chose, mais maladroit de l’exploiter ainsi, alors que cela peut fragiliser la crédibilité de cet univers qui persiste à affirmer sa personnalité, ses enjeux et ses lois. C’est à la rencontre de la jeune Isabel Reyes (Isabela Moner) que l’on marchande le territoire les loups avec le territoire de l’homme. La métaphore enfreint ainsi ses propres règles et met à mal la complicité des deux grands hommes du récit. Chacun, à leur manière, vise le même objectif. En tant que soldat, la mission est simple, d’une justesse implacable et d’une précision monstrueuse. Mais qu’advient-il de l’homme derrière son arme ? Que devient sa volonté face à l’influence et l’empathie ?


Entre le western et le polar, « Sicario : La Guerre des Cartels » (Day Of The Soldado) conte le récit de migrants qui cherchent le salut, aux dépens d’une nation extrémiste. La responsabilité d’Alejandro laisse place à des conséquences plus tragiques, vis-à-vis de la justice. Le drame proclame ainsi un sentiment de méfiance, tout en s’appuyant sur des scènes et actions chirurgicales dont le spectateur occidental redoute par-dessus tout. La place de l’émotion cherche constamment une justification, mais ne finit jamais par s’installer complètement. On nous ampute de cette part humaine qui nous guide et qui nous préserve du mal qui hante les cartels. Dans l’ambiance étouffante et les éclats du soleil désertique du Mexique, nous aurons droit à une saga qui dessine ses valeurs les plus intimes avec la violence à l’état pur.

Cinememories
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le 26 sept. 2022

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