La surenchère de « À Couteaux Tirés » semble avoir fait son effet, notamment depuis « Looper » et ce mauvais pari intergalactique chez Disney. Pourtant, Rian Johnson retourne à ses amours, à base de cluedo et sa narration croisée, qui a le don de stimuler le premier mordu de polar. Proche du climat de son « arnaque presque parfaite », le cinéaste américain bute toutefois sur les règles de son propre jeu. Quand il décidait de ne pas nous montrer les indices dans le volet précédents, ici, il préfère les poser sous l’œil du spectateur, qui n’en a pas toujours besoin pour résoudre une énigme, assez simplette dans sa construction. Le whudonit d’Agatha Christie aura beau alimenter son imaginaire, fait de verre, d’un décor moderne et high-tech, sa lame est loin d’être aussi aiguisé qu’il n’y paraît.


Avant que Johnson ne prenne Daniel Craig sous son aile, ce dernier a déjà pu se prêter au jeu du décalage comique dans « Logan Lucky », un taulard qui n’avait pas droit à du véritable sel pour accompagner ses gourmandises. Il n’est donc pas étonnant de le retrouver, une seconde fois, l’ex-James Bond dans le costume du détective Benoît Blanc, encore plus délicieux que précédemment. Il sera rapidement mis à contribution, évoluant aux côtés d’une femme (Janelle Monáe), laissée-pour-compte et reniée par le groupe à qui elle a donné naissance. Plus que cela, le mystère est au détour d’une double identité, d’une double manipulation, où l’hôte d’une murder party et ses convives constituent de potentiels suspects. En virée sur une île grecque, isolé de tout, mais servi par une débauche technologique et de célébrités qui fait tout pour détourner l’attention, le groupe va rapidement passer du jeu au drame, lorsque l’un d’entre eux restera sur le carreau.


Influenceurs et autres politiciens, la fortune est une anomalie pour Blanc, qui atterrit par erreur dans ce cocon névrosé d’une classe aisée et qui se ridiculise elle-même. On l’aura déjà vu cette année avec les récents « Don’t Look Up », « Sans Filtre » ou encore « Le Menu », déliant la langue de cette bourgeoisie au sommet du pouvoir, simplement plus amplifier sa chute. Il en va de même dans cette nouvelle enquête, doublée d’une satire séduisante, mais qui peine à créer des interactions avec le détective et son esprit, loin d’être farouches. En mettant les deux pieds dans l’humour cynique, le cinéaste frôle souvent l’excès, qui ne se dilue pas parfaitement sur le ton dramatique de l’intrigue. Sa proximité avec la période pandémique en témoigne, mais sa fonction ne fait que dater ses propos au lieu de les sublimer. La mise en scène joue davantage sur des ressorts scénaristiques, qui justifieront les mobiles au dénouement, sans que le débat ne soit réellement pertinent ou amusant.


S’il ne faut pas y voir du Beatles dans le titre, on peut néanmoins retenir les paroles, qui nous invitent à regarder au-delà des reflets et à en éplucher les distractions. « Glass Onion : une histoire à couteaux tirés » (A Knives Out Mystery) espère ardemment bluffer par sa lucidité, mais la vivacité du spectateur peut l’emporter sur un divertissement qui convoque ce dernier à observer et à déduire. Et quand bien même, la plus grande partie de la vérité réside en hors champs, dans un flashback, il n’y a pas de raison de se laisser assommer, car le rythme reste maîtrisé et nous accompagne dans une démarche très didactique. Cette mécanique aura beau être répétitive et identifiable, elle continue de sonner creux dans les mains d’un auteur beaucoup trop sûr des couches qui embaument l’extravagance de la comédie policière.

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le 23 déc. 2022

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