Avec une production et une réalisation bousculée par la grande firme que l’on ne citera plus, le second spin-off de la saga Star Wars peut encore espérer mieux. Cela ne veut pas dire pour autant que Ron Howard s’est crashé, loin de là. Le but étant d’enrichir l’univers, tout en comblant certains vides qu’ont évoqués les trilogies d’origine. Rogue One s’est plié à la tâche et a fait mouche par sa générosité et sa sincérité. Nous n’en attendions pas moins et le spectacle fut au rendez-vous. Cependant, la clairvoyance de ces épisodes isolés ne peut pas toujours rallier l’œil du fan accompli et le nouveau public qui s’initie à peine à la Force. Par ailleurs, l’intrigue ne s’étend pas sur cet horizon religieux. Ce qu’on nous propose, c’est du concret, moins de poésie, mais plus de charme et de sensibilité.


Sans surprise, on redécouvre le pilote le plus imprévisible et le plus talentueux de la galaxie, Han Solo en la personne d’Alden Ehrenreich. Et à défaut de ressembler au prestigieux Harrison Ford, le jeune acteur lui donne ce qu’il faut en malice et en folie pour lui rendre justice. Il n’y a pas à s’inquiéter du côté acting, on reste dans les cahiers des charges. Ce qui inclut le fan service sans abus, tout comme l’humour que l’on retrouve étonnement bien distillé. Equilibré comme il faut niveau scénario, signé Lawrence Kasdan et son fils, le film ne prend pas toujours le temps d’icôniser ses personnages. L’action enchaîne souvent avec l’action, sans que l’on reprenne un souffle correct, cependant la mise en scène nous tient subtilement en haleine. Et il suffit que John Powell réarrange ce qu’il faut pour rythmer une aventure vertigineuse.


L’équipage rassure également, car le duo que forment Han et Chawbacca (Joonas Suotamo) est tout bonnement formidable. La cohésion prend de suite et l’empathie revient, car les fans les ont toujours connus inséparables. Quant à Donald Glover en Lando Calrissian, c’est d’un rafraîchissement. On caresse la nostalgie avec ces trois brigands, dont les prouesses sont vérifiées à maintes reprises. C’est au lot de personnages fétiches et fraîchement instaurés à l’écran que l’on réserve nos avis les plus sincères. Tobias Beckett (Woody Harrelson) constitue une figure emblématique dans une contrebande controversée. Malgré tout, il assure le divertissement, tout en apportant un léger nuage de western dans sa lourde démarche. Et Qi’ra (Emilia Clarke) s’arme de sa beauté et de son expérience pour mieux surprendre. Grâce à elle, on peut découvrir une palette sentimentale que l’on reconnaître chez Solo. La tendresse n’est peut-être pas le point fort d’un contrebandier, mais c’est pour cela qu’il est destiné à voler de ses propres ailes, sans conditions et sans pression. Une retenue tout de même pour le droïde L3-37 (Phoebe Waller-Bridge) dont le dynamise flirte trop avec le discours satirique hors-sujet. Aurait-on pu en tirer profit d’une différente manière sans en changer les motivations premières ? Certainement, le personnage en possède même les droits.


Nous ne sommes qu’à mi-parcours de l’objectif initial, à savoir raconter les origines de Solo et son entourage. On y est presque, mais c’est de la profondeur qui manque. On parle peu et on n’emploie pas toujours la subtilité dans des dialogues trop fermés. Cela dit, on ne boudera aucunement le plaisir de gratter encore plus loin jusqu’aux vaisseaux de transport les plus revisités.


Les retrouvailles avec le Faucon Millénium sont un délice qui n’est pas toujours dosé. Le film vit perpétuellement dans le rush, survolant bien des éléments qui amorçaient quelques choses d’autres que les formules que le studio Disney a l’habitude de servir. La lecture est brouillée de temps à autre, mais il ne faut pas s’arrêter là où l’insatisfaction n’a pas lieu d’être. La mythologie emprunte une nouvelle route, sans blasphème et sans remords. La particularité de celle-ci, c’est qu’on s’isole complètement d’un conflit qui ravage la galaxie. On feint de nous dévoiler de nombreux décors, mais tout cela vient du simple prétexte qui consiste à trouver un raccourci vers le dénouement de l’histoire. Les apparitions sont multiples et certains relancent bien des débats sur l’avenir des spin-off en tant que tel. Ce genre de format constitue certainement l’échappatoire que la franchise de Lucas avait besoin afin d’accepter l’émancipation du père fondateur. Ce dernier est tout à l’honneur et ne pourra qu’apprécier cette ambition de respecter certaines traditions.


Toujours plus loin dans la galaxie très lointaine, « Solo : A Star Wars Story » ne peut prétendre à l’échec car il est encore loin d’avoir conclu son propre mythe. Il y a tant à raconter sur la contrebande et on le sous-entend délibérément. Réussissant à étouffer les quelques miettes restantes et évidentes des précédents réalisateurs, Howard conclut quant à lui sa part du contrat envers un film que nombreux sous-estimeraient. Pourtant, il n’y a que la salle de cinéma qui fera autant battre le cœur affûté du cinéphile, tout en préservant son amour pour une saga qui a déjà énormément donné. Nouveau souffle, nouvelle initiative, l’œuvre aura raison des spectateurs les plus ouverts d’esprits, non pas de ceux qui prennent trop à cœur de voir l’étoile filante luire toute la séance, au risque de se brûler les cils.

Cinememories
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le 23 mai 2018

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