Agréable film noir dont la grande force se trouve être la galerie de personnages qu'il met en oeuvre. A l'occasion d'un casse organisé par le méthodique « Doc » Riedenschneider, une bande de malfrats constituée de fortes personnalités aux motivations très différentes va se mettre sur le pied de guerre. Si John Huston choisit d'opter pour la classique dissection des différents rôles composant le groupe, il les dote tous cependant d'une écriture redoutable. Et même si certains d'entre eux prennent plus d'ampleur, comme le Doc qui est vraiment la figure charismatique du lot, chaque personnage trouve son importance dans l'histoire.
Quant au script rendant possible cette rencontre d'acteurs, il est très solide et passe avec fougue chaque palier construisant un film de casse. On a ainsi l'occasion de voir le coup se monter jusqu'à son déroulement chaotique. Ce dernier ne donnant évidemment pas raison au dicton si célèbre d'Hannibal Smith, permettra à John Huston d'embarquer son monde dans une lente descente aux enfers laissant présager d'une fin peu optimiste. Le réalisateur n'y va pas avec le dos de la cuillère et éclate soigneusement tous les personnages qu'il a bien pris soin de nous faire apprécier, des plus vertueux aux plus ambitieux. Même ce riche scélérat de Alonzo D. Emmerich apparaît finalement comme un homme presque sympathique, son sort ne laisse en tout cas pas indifférent.
Quand la ville dort est également soigné dans sa forme. Les noirs et blancs y sont très beaux, d'un contraste suffisamment marqué pour mettre sur pied des ambiances qui semblent opprimer les différents protagonistes. Une bonne partie du film se passe de nuit, l'occasion pour Huston de s'amuser avec l'obscurité pour en tirer de belles atmosphères nocturnes. On pourra cependant regretter que l'ensemble reste très classique : on n'y sent pas une envie flagrante de surprendre par la caméra. Elle est simplement là pour accompagner l'action et mettre en valeur les acteurs.
Mais le job est fait, le film se tient de belle façon et rend un bel hommage à des acteurs qui sont tous au diapason. Sterling Hayden impose son physique avec beaucoup de gueule, Sam Jaffe campe un Doc fataliste on ne peu plus réjouissant et Louis Calhern est terriblement convainquant en salaud désabusé. A eux trois, ils enlèvent le film. Les autres acteurs sont également plutôt bons, personne ne dépareille en tout cas, on peut même apercevoir la délicieuse Marilyn Monroe dans un rôle de jeune femme vénale pour laquelle on se ruinerait volontiers
John Huston signe avec cette bobine sympathique une belle référence du genre, que tout amateur de film noir appréciera sans aucun doute.