Céline Sciamma, m'a un fois de plus littéralement scotchée, avec ce film d'une force étonnante, très subtil et sensuel et qui offre une vision de l'adolescence très originale, loin des clichés et non édulcorée.
Il s'agit du premier long métrage de Cécile Sciamma, réalisé à partir de son scénario de fin d'études à la FEMIS, encouragée en cela par le réalisateur Xavier Beauvois, qui était membre du jury.


Les trois jeunes actrices sont exceptionnelles, c'est peu de le dire.


Celle qui fait la plus jeune physiquement, est Pauline Acquart. Elle e interprète le personnage de Marie, vibrante amoureuse de la belle et délurée Floriane, la capitaine de l'équipe des minimes de natation synchronisée (interprétée par la brillante Adèle Haenel).
La subtilité est que tout le monde (les nageuses, les garçons du club) croit qu'elle est délurée, qu'elle se tape tous les garçons, que c'est même "une pute". Or, ce n'est pas du tout le cas. Floriane cache une grande peur de la sexualité et notamment de la première fois. Elle se cherche, encore plus même que Marie, qui semble avoir les idées très claires : elle aime passionnément Floriane. Elle en est raide dingue; elle veut tout d'elle, même manger la pomme qu'elle a croquée.


Quant à la troisième protagoniste, Anne (jouée par Louise Blachère), elle est très en avance physiquement sur son âge, à tel point que ses formes l’embarrassent souvent, bien que parfois elle en joue. De ce fait, elle attire les garçons, enfin surtout un, François qu'elle aime, qu'elle désire, qu'elle fantasme. Ce dernier, déçu de ne pas avoir pu conclure avec Floriane, va se rattraper avec Anne.


Ah le monde cruel et fascinant de l'adolescence ! Les questionnements, les tâtonnements, les sentiments, le désir, la recherche du partenaire, les peurs, les doutes ...
Je trouve que ce film rend compte merveilleusement des affres de cet âge si particulier, si fondateur.


J'aime beaucoup ce que raconte la réalisatrice de la symbolique de la pieuvre, qui a fondé le titre de son film. « Pour moi, la pieuvre est ce monstre qui grandit dans notre ventre quand nous tombons amoureux, cet animal maritime qui lâche son encre en nous. C’est ce qui arrive à mes personnages dans le film, trois adolescentes, Marie, Anne et Floriane. Et justement, la pieuvre a pour particularité d’avoir trois cœurs. »


Je suis d'accord avec mon éclaireuse Eloch pour dire que ce film est "une expérience cinématographique". Je l'ai ressenti également comme tel. Il m'a ramené à tellement de souvenirs, de sensations : la passion amoureuse jusqu'au boutiste, typique de cet âge là, les questionnements de l'adolescence, la recherche de son identité propre.


De plus, j'ai trouvé ce film d'une esthétique folle. Il est extrêmement bien filmé.


Aussi bien les corps que les visages sont approchés de près, comme si la réalisatrice voulait percer leur mystère. Les personnages se scrutent, se croisent, s'emmêlent comme s'il s'agissait d'un ballet. Ce ballet prend des formes aquatiques superbes.


La scène sous l'eau me fait penser à une scène d'un film qu j'ai vu cette année, L'effet aquatique, scène dans laquelle Samir observe également à la piscine celle dont il est tombé amoureux.
C'est beau, c'est magique d’observer l'être qu'on aime sous l'eau. On le scrute à la dérobée, sans que personne s'en aperçoive, et on le voit sous toutes les coutures pour mieux s'en absorber.


Ces corps sont observés à différents étapes de leur maturité, à l'image du parcours des personnages. Marie c'est paradoxal, est du point du vue physique, presque encore une enfant, mais tout compte fait, elle sait mieux ce qu'elle veut et est plus apte à passe à l'action que Floriane, qu'on pourrait penser plus sûre d'elle, plus mature, avec son corps de femme épanouie, mais qui en fait crève de trouille devant l'idée même de s’allonger avec quelqu'un d'autre pour faire l'amour.
Anne a des formes généreuses qu'elle finira par employer à son avantage comme objets de séduction, au lieu d'en avoir honte et de vouloir les cacher.


Ce film a reçu le Grand Prix du meilleur scénariste 2006 : prix junior du meilleur scénario (avant réalisation du film), le Prix de la jeunesse au Festival du film romantique de Cabourg 2007 et le Prix Louis-Delluc du premier long-métrage en 2007.


Il a été sélectionné au Festival de Cannes 2007 dans la section "Un certain regard".


Nomination au César du meilleur premier film pour Céline Sciamma
Nomination au César du meilleur espoir féminin pour Adèle Haenel
Nomination au César du meilleur espoir féminin pour Louise Blachère.


Selon moi, c'est amplement mérité !

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le 27 déc. 2016

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