Derrière la caméra depuis peu, Andy Serkis émerge de la CGI avec des réalisations plutôt convaincantes. Tout juste après la sortie de « Breathe » en e-cinema, le champion de la motion capture vient à réexploiter une franchise qui a connu de nombreuses relectures. Celles qu’on retient sont notamment les versions proposées par Disney, avec l’animation et celle reprise par Jon Favreau. Ces deux interprétations ont le mérite de rester proches dans une tonalité joyeuse et féerique, invoquant la nostalgie pour parvenir à séduire son public. Mais Serkis, lui, ne propose pas ce énième mixage et se rapproche davantage des valeurs et de la maturité du roman éponyme de Rudyard Kipling. Plus de chansons, place aux discours qui font acte de maturité et de responsabilité.


Le sombre épisode nous introduit le petit d’homme, Mowgli (Rohan Chand (II)), recueilli et élevé par des loups. Mais il aura beau apprendre et être éduqué eu rythme de la jungle, c’est cette dernière qui aura son dernier mot. Il ne trouvera pas sa place, ni sous les feuillages tropicaux, ni sous la culture de l’homme. La question légitime vient alors brosser le portrait de l’humanité, à travers les différentes espèces qui composent la jungle. On se permet alors de hiérarchiser l’échelle de puissance et l’échelle des valeurs. Doublé par un casting de lue à Hollywood, on récupère un Bagheera plutôt fatigué, mais très sage. Il accompagne Mowgli dans sa quête identitaire, tout comme Baloo, qui campe dans la fourrure de l’enseignant modeste et avisé. Ce duo sera d’ailleurs mis à l’épreuve lors d’affrontements, où la violence parlera peu au jeune public. Le sous-titre pourra être difficile à saisir sur ces terres boueuses, voire répugnantes, ce qui donne du corps à l’environnement indomptable qui les entoure.


Mais attention à ne pas courir trop vite, on peut y laisser des défauts derrière soi et le film en accumule souvent. Tout d’abord, l’esthétique n’est éblouissante que lorsqu’on se pose sur un rocher inerte. Et mouvement en excès ou de plans larges, tout se complique et les scènes d’action et de rage sont illisibles faute d’effets visuels peu convaincants. Deux ans de post-production n’auront pas suffi, apparemment. Cependant, on peut lire les traits des différents interprètes des animaux et c’est très réjouissant. Shere Khan aura également le don d’affaiblir les enjeux, car sa présence à l’écran le rend moins effrayant, lui qui incarne toute la férocité de cette jungle, lui qui s’assoit sur des mares de sang. Il campe ce méchant, trop lisse et qui manque parfois de justesse dans les derniers instants. Il en va de même pour Kaa, qui hérite d’une apparition fantomatique, en plus d’être énigmatique. Mais tout n’est pas à condamner dans ce récit qui saura trouver les mots et les illustrations dans son discours mythologique universel. La violence crue et choquante aura raison de notre curiosité.


Finalement, « Mowgli : La Légende de la Jungle » nous démontre qu’il n’est pas aisé de se fondre dans la Nature, même auprès de ses semblables. Mowgli n’est d’ailleurs pas le seul exemple torturé par son identité. Lugubre et très satirique envers les meutes qui se cloisonnent, l’aventure prend parfois des raccourcis maladroits, mais prend également soin de brosser l’évolution de son personnage au fil de son périple. Dommage qu’on piétine sur un scénario bancal, la volonté de proposer du neuf avait pourtant pris une forme divertissante, surpassant même les intérêts des versions Disney.

Cinememories
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le 20 juil. 2022

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