La fin des années soixante marquent l’apparition du nouvel Hollywood, qui consiste avant tout en un torsion faite à des genres établis : alors que Bonnie & Clyde revisitait le film de gangsters, Macadam Cowboy règle son sort au western. De la figure mythique investissant les grands espaces chez Ford, il ne reste plus qu’un gigolo bas du front, rêvant de conquérir New York à la force de son membre.


Décapé de toute forme d’idéalisation, le parcours initiatique du texan se fait sous la marque de la désillusion. Urbanisme crade, milieux interlopes jalonnent une découverte désabusée, où l’on est autant déçu des promesses d’une ville que de sa capacité à être à la hauteur de ses ambitions.
Classé X à sa sortie alors que le film ne contient pas véritablement de scène érotique, Macadam Cowboy joue le jeu d’une double provocation : par un aspect documentaire sans concession sur une ville malade, et par le regard lucide sur des personnages eux-mêmes en perdition. Sur ce registre, les deux beautiful losers incarnés par John Voight et Dustin Hoffmann (dans un contre-emploi total par rapport à son précédent rôle de jeune étudiant dans Le Lauréat) font des merveilles.


Mais sur ce canevas social, qui rappelle assez souvent la destinée des protagonistes des Souris et des hommes, le récit s’encombre de séquences dispensables, qu’il s’agisse des délires hippies ou des flashbacks de Buck, aussi pesants que démonstratifs. Schlesinger a du mal à gérer sa gradation, ici sous le mode de la déchéance, (physique pour Ratso, mentale pour Buck qui s’enlise dans des illusions de plus en plus naïves, voire involontairement comiques) et finit par briser un peu l’identification aux personnages, comme il le faisait dans le final un peu grotesque de Marathon Man.


La distance ironique et sarcastique de l’exposition suffisait, et il n’est pas nécessaire de rajouter des obstacles, de contraindre à ce point les personnages pour les faire vivre. L’écriture semble vouloir les essorer, au profit d’une performance dans le pathétique dénuée d’authenticité.
Cette justesse de ton, ce point d’équilibre est pourtant accessible : un duo dans l’Amérique égratignée des 70’s l’a parfaitement incarné dans L’Epouvantail de Schatzberg.

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le 30 nov. 2016

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Sergent_Pepper

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