
À peine deux ans après « Mon premier combat » pour Netflix, Olivia Newman investit le roman éponyme de Delia Owens, irrigué d’un charme fou pour son héroïne vaillante et de son procès ambigu. Malheureusement, avec tout le mélodrame qui se dégage de la structure narrative, il reste peu de place pour la tension, que l’on pose en ouverture et que l’on rattrapera in extremis dans le dénouement. La prestation de la comédienne vedette ne trahit pourtant pas les ambitions d’adaptation du roman, qui cherchent avant tout à faire un état des lieux des hommes et des femmes dans la nature d’un côté et dans la société de l’autre. L’intrigue ne perd pas non plus une miette pour rebattre des enjeux actuels, au nom des femmes harcelées et victimes de violence, mais la maladresse du discours lui enlève toute crédibilité dans sa démarche, empruntée au téléfilm.
La nature puise toute sa force dans sa diversité et surtout dans un dernier aspect indomptable, qui finira par entraîner la jeune Kya Clark (Daisy Edgar-Jones) vers une vie d’ermite. Celle-là même qui est tout à fait désignée coupable par les habitants du coin, citadins et loin de cette vie sans enclos. C’est pourtant ainsi que nous découvrons cette jeune femme, fraîchement interpellée dans une affaire d’homicide, d’un certain amant, mystérieusement tombé de son perchoir de vingt mètres de haut. Si on semble se tourner vers une histoire de procès et d’investigation, la lourdeur de la voix-off nous rappellera ô combien le détour sera à la fois épuisant et laborieux. Les flashbacks s’étirent au même titre qu’un récit d’amour qui ne parvient jamais à maintenir la flamme. Kya évolue ainsi entre le crochet de deux hommes, l’un beaucoup trop gentil et l’autre tout de même un peu moins poli.
Si ce genre de fil blanc peut desservir la plupart des rebondissements, il peut également saboter toute tentative de rendre l’appât émotionnel pertinent. La seconde romance est toutefois moins embarrassante que la première, mettant en évidence quelques sujets de l’époques, des années 50 à 60, où la ruralité se faisait intentionnellement exclure par ceux qui portaient des costumes, qui allaient à l’école, qui conduisaient des voitures ou qui portaient simplement des chaussures. Les fragments les plus intéressants de la jeunesse de Kya résident dans son élan d’émancipation, où elle s’adapte en suivant, seule, dans sa maison au fond des marais. Son folklore est donc né de préjugés, que l’on tente de combattre via ses talents artistiques, afin d’immortaliser l’environnement dans lequel elle a grandi et où elle s’épanouit. La jeune fille agoraphobe et solitaire n’est pourtant pas celle qui manque le plus de caractère dans ce voyage, où l’on remontera peu à peu vers une vérité, pas si bien cachée.
Fort heureusement, le décor est nourri par les paysages naturels de la Floride et de la Nouvelle-Orléans, chose que l’on appréciera d'observer au même titre qu’une héroïne qui culpabilise toute sa vie, les pieds dans la boue, pour ne pas avoir su garder auprès d’elle des hommes qui ne cherchent qu’à la fuir. Hélas, l’expérience sera aussi anecdotique que « Là où chantent les écrevisses » (Where the Crawdads Sing), qui évacue rapidement ses thématiques sauvages, pour mieux se concentrer sur la détresse d’une femme de la nature, qui ne s’apprivoise pas aussi facilement. Le film ne sait pas donc sur quel pied danser et finit par noyer ses bonnes intentions dans les mêmes marécages boueux, qui laissent son audience sans piste pertinente, si ce n’est pour insister sur les faces cachées d’une romance dont on connaît d’avance l’issu.