Il y a des films qu’on n’a pas trop envie de malmener. Lorsqu’on constate l’état de la fréquentation des salles de cinéma et la vive inquiétude concernant la santé du cinéma français, un film comme Jack Mimoun fait montre d’une prise de position assez salutaire. Voici donc une équipe nationale aux commandes d’un film d’aventure, qui convoque tout ce dans quoi les Américains ont excellé depuis bien quatre décennies, d’Indiana Jones aux Goonies, avec la volonté de ne pas jouer la carte si éculée du méta ou du parodique. Jack Mimoun se veut donc un divertissement familial, courageusement premier degré, avec trésor de pirates, bestioles hostiles et nature sauvage, décor de cryptes en carton-pâte et pont de singes au-dessus du vide. Les retrouvailles avec cet esprit des années 80 peuvent être assez réjouissantes, agrémentées d’un humour potache pour des personnages la plupart du temps loin d’être à la hauteur des épreuves qu’on leur impose.


Voir FloBer rejoindre l’aventure et en parler avec enthousiasme dans son FloodCast pouvait clairement donner une valeur ajoutée au projet : son talent d’écriture comique va en effet irriguer les meilleures vannes et certaines idées de personnage, dont le rôle de François Damiens, sorte de réécriture locale de Walter Sobchak du Big Lebowski, aussi prompt à débiter des âneries que des balles. Mais sa présence pourra aussi occasionner des malentendus, tant l’imaginaire délirant et l’audace comique du bonhomme (à l’œuvre dans Bloqués ou La Flamme, par exemple) est ici bridé au profit d’un spectacle plus conventionnel.


Ces conditions établies, on pourrait tout à fait renouer avec un plaisir plus simple, se reconnecter à une enfance dépourvue de cynisme et profiter d’un film d’aventures à l’ancienne. Et si le scénario remplit effectivement ce cahier des charges, force est de constater que tous les talents qui se mettent à son service sont loin d’être à la hauteur. Le duo principal (Bentalha/Japy) accuse de sévères lacunes en termes de jeu, probablement parce que leurs rôles sont ineptes – un problème que rencontrera aussi Magimel, totalement sous employé. Le rythme est totalement déficient, que ce soit en termes de tempo comique (des sketches mal assemblés, sans liant ni transitions) ou de gestion de l’arc narratif : par moments, les comédiens sont immobiles, dans la stupide attente de leur réplique, ne sachant même quelle place occuper dans le cadre. Sur le plan de la réalisation, on a du mal à comprendre comment un montage aussi inefficace a pu passer toutes les étapes du visionnage (le film semble durer 2h15), et lorsqu’on convoque le modèle Spielberg (bonjour l’avion qui descend les branches d’un arbre), il faut au moins tenter le pastiche pour rendre la scène un peu prenante. La maigreur du budget aurait pu contraindre à l’efficacité narrative et la volonté de renouveler quelques motifs au lieu d’aligner paresseusement les attendus comme une liste à cocher, dans un scénario qui n’offre ni surprise, ni souffle, ni plaisir. Ne reste qu’un grand embarras face à une nouvelle occasion manquée.

Sergent_Pepper
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le 19 oct. 2022

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