Surprenant ce Kiss me deadly qui sous couvert d'enquête policière prend son temps pour faire de son héro un personnage malsain naviguant entre tous les codes qui sont censés être les ingrédients d'un film noir typique. On sent vraiment qu'Aldrich s'est fait plaisir à passer en revue les ficelles caractéristiques de ce genre de film pour les détourner, se les approprier pour jouer au chat et à la souris avec le spectateur. Ce dernier, pensant être face à une énigme à résoudre, va chercher pendant tout le film une solution qui n'existe pas. On est en effet ici davantage dans l'illustration du côté apocalyptique d'une époque, dont la boite de Pandore est la découverte de la puissance atomique en période de paranoïa aiguë. Aldrich nous livre sa vision des choses, très noire et peu optimiste, en témoigne cette fin assez troublante tant elle surprend par sa tonalité, presque fantastique.

C'est vraiment déroutant parce que dès le début du film on a envie de résoudre cette affaire de meurtre aux soupçons de complot. Mais c'est peine perdu car même si on suit avec intérêt les tribulations de Mike, détective poisseux à la corruption facile et aux méthodes douteuses, on se perd très vite dans les allées labyrinthiques d'un script qui se joue du héro en même temps qu'il nous retourne l'esprit. On était prévenu, dès la séquence textuelle d'ouverture aux allures de génériques de fin, défilant à l'envers. Il y avait déjà anguille sous roche !

Surtout qu'Aldrich prend bien soin de soigner tout le reste, sa réalisation en premier lieu, pour donner du crédit à son histoire et nous prendre au piège avec efficacité aux moyens de plans bien composés, créateurs d'une ambiance du plus bel effet. Il gère également avec fougue tous ses acteurs, à commencer par notre super Mike, badass pas très réglo, qui va se faire balader entre de nombreux points incontournables du film noir, de la boite de Jazz aux interrogatoires musclés dont la violence, graphique et hors champ, est assez intense pour l'époque. Le reste du casting, certains personnages secondaires notamment, comme ce garagiste foufou, donnent une petite touche de fraîcheur à l'ensemble.

Une belle découverte, un film qui laisse assez songeur lorsque le générique de fin apparaît. Mais dès qu'on se dit qu'il n'y a finalement aucun mystère à résoudre, que tout n'est que symboles se voulant être le reflet d'une époque, on trouve du sens aux images que l'on vient de parcourir ainsi qu'aux personnages qui y ont évolué.
oso
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le 17 févr. 2014

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oso

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