Que font ces deux gaillards ensemble, sur les routes, dans les trains, à la recherche d'un ailleurs, d'un boulot qu'on leur a indiqué à l'autre bout du pays ?
Pourquoi le plus petit s'occupe du plus grand ? Sont-ils frères, cousins ? Que fuient ils comme ça ?


Que c'est-il passé là-bas ? Pourquoi cette femme hurlait-elle si fort, un bout de sa robe rouge déchirée ? Pourquoi ont-ils eu à se cacher ensuite ?


Nos questions trouveront progressivement des réponses au fur et à mesure de l'intrigue, tandis qu'on découvre la personnalité de chacun.


On s'aperçoit très rapidement que le grand gaillard, le colosse est tout petit dans sa tête et que son compère joue le rôle de grand frère, de protecteur.


George guide Lennie, le drive, le rassure, l'encourage, lui conte fleurette le soir près de la rivière. Il lui parle d'un futur rêvé à deux : une maison commune où ils seraient enfin chez eux, une petite ferme dont ils seraient les heureux propriétaires. Il décrit par le menu tout le mobilier et surtout ce qui plait le plus à Lennie, les animaux qu'ils auront, en particulier les lapins, dont il pourra s'occuper lui-même. Ah les lapins, on en entendra souvent parler tout au long de l'histoire ...
Lennie connait l'histoire par cœur, mainte et mainte fois racontée par George, mais il la réclame comme les tous petits enfants qui veulent le même conte chaque soir.
Car Lennie est un passionné des petits animaux. ça l'excite, ça l'obsède, ça le rend fou ! Durant la route, il trimbale une souris morte dans sa poche, une souris qu'il a sans doute trop serrée au point qu'elle en est morte. George le dira plus tard : quand Lennie aime, il veut toucher, il veut caresser, mais ne sentant pas sa force herculéenne, il brise ce qu'il adore et c'est là que les ennuis commencent ...


Ils parviennent enfin au ranch où l'agence pour l'emploi du coin leur a déniché un travail. Ils y découvrent toute une palette de personnages tous masculins (les travailleurs, leurs chefs d'équipe, le palefrenier, un vieil homme avec son chien, le patron et son fils) et une seule présence féminine : la femme de Curley, le fils arrogant du patron.


John Steinbeck, dont le film est l'adaptation du roman éponyme publié en 1937, décrit Lennie comme un «doux colosse innocent aux mains dangereuses», et comme «un homme gigantesque, à visage informe, attardé, avec de grands yeux pâles et de larges épaules tombantes».
George, lui, est décrit comme «petit et vif. Brun de visage, avec des yeux inquiets et perçants, des traits marqués. Des mains petites et fortes, des bras minces, un nez fin et osseux».


On finira par comprendre, grâce aux confidences que George fera à Slim, l'un des chefs d'équipe du ranch avec qui il a sympathisé, que Lennie connait George depuis l’enfance. A la mort de la tante de Lennie, George a pris ce dernier sous son aile, ne pouvant le laisser seul, vu son état d"attardé mental et par affection pour lui.


Gary Sinise qui endosse admirablement le rôle de George a offert le délicat rôle de Lennie à John Malkovich. Et ce dernier relève le défi avec brio, c'est peu de le dire ! Il est vraiment extraordinaire dans ce rôle ! Il joue parfaitement ce géant voûté, maladroit, au sourire angélique, au regard fuyant, à la force herculéenne et à la naïveté déconcertante.


Gary Sinise adapte brillamment les scènes culte du roman, comme celle de la rencontre entre Lennie et Croods, le palefrenier noir : les deux exclus du clan, pour des raisons diverses, se retrouvent et arrivent à converser. Malgré tout ce qui les oppose, ils se trouvent des points communs, dont celui d'être en marge, toujours à l’écart du groupe des autres travailleurs.


Une autre scène mémorable est bien sûr celle dans laquelle Lennie et la femme de Curley se rapprochent dans l'écurie, et où elle lui fait des confidences sur sa carrière manquée d'actrice.


Je trouve que Gary Sinise a su rendre toute l'ambiance qu'il pouvait y avoir dans ces ranchs de la Californie dans les années 30, un univers quasi masculin, de travail partagé, d'exaltation de la force et de la virilité, lieu de conflits, de jalousies mais aussi de solidarités.


Chaque personnage du roman a été creusé, et est endossé avec brio.

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le 14 févr. 2017

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