Les journalistes qui ont plébiscité « la plus grande oeuvre » de Woody Allen, devraient, pour le dire trivialement, faire se reposer leur mâchoire pour cause de fellation bien trop prolongée. Déjà, ériger Blue Jasmine en chef d’oeuvre et disqualifier Vicky Critisna Barcelona me semble un outrage assez scandaleux, mais passons. Tout de même, mon amateurisme en terme de films alleniens ne m’empêchera pas de penser que Blue Jasmine aurait été largement mieux si seulement le réalisateur comme à son habitude, n’avait pas fait le parti pris de ne peindre qu’en surface, l’artificiel de ces milieux aisés et huppés qu’il semble connaitre si bien.


Munie de ses luxueux bagages, Jasmine débarque de l’avion de New York et se retrouve désemparée, seule, à la porte de sa soeur Ginger. Cette dernière, idéal-type de la soeur paumée, divorcée et mère de deux adorables monstres d’enfants. Notre héroïne voit le décor de plus en plus concret que prendra sa vie désormais; loin de sa vie luxueuse et confortable, entre les quatre murs de son appartement à Park Avenue et les soirées mondaines. Son cher mari écroué pour fraude fiscale en est la cause. Bouh, le vilain pas beau. Voilà à peu près l’histoire.


L’histoire, en parlant de celle-ci. Quel terme autre que « plate », « sans grande vie ni émotion » pourrais-je employer ? J’aurai voulu qu’Allen me fasse au moins détester son personnage principal, qu’il me touche. A travers cette caméra, il ne décrit deci delà les habitudes maintenant regrettées d’une femme qui jadis savait comment organiser des soirées socialite et qui désormais … se fond dans la masse du commun des mortels. Certes, le réalisateur met un peu de piment (assez fade) dans cette histoire : une romance par ci, de l’humour, un peu de folie par là, un soupçon de bonheur; mais cela n’a qu’une très vague saveur. Les seconds personnages ne sont jamais que la caricature d’eux-mêmes, comme si les dialogues qu’ils avaient entre eux, n’étaient là que pour être dits. Jamais on les être pris par les tripes. La soeur de Jasmine se prend des remarques incessantes de cette dernière, sans jamais ciller. La réaction des personnages est une ode à l’absence de caractère.J’aurai voulu ressentir de la pitié, de l’envie ou au moins de la satisfaction à voir cette belle de nuit, déchanter. Je n’ai point (res)senti Jasmine : Allen nous la raconte sans grande conviction; il se fait le conteur d’une anecdote de vie longue. Très longue. Où il ne se passe pas grand chose.


Et pourtant, j’ai espéré pouvoir nourrir mes yeux de cette singularité qui fait que l’on reconnait (très souvent) un film de Woody : l’esthétisme ! Mais que neni, il n’en fut point question. Les plans souvent recentrés sur les personnages, ne lassaient aucun répit à l’évasion esthétique. Il n’eut que très rarement des moments de silences et de beau à savourer, des scènes où l’on se dit « tiens, le réalisateur veut nous montrer quelque chose sans vraiment se l’avouer« . Tout était d’une plate évidence. Enfin, je vous l’accorde, il y avait toujours cette atmosphère hyper lumineuse. Où le visage de Cate Blanchett était sublimé, où le bleu de ses yeux nous faisait atteindre une certaine profondeur, comme pour rattraper celle du film, quasi-inexistante.


Si je devais faire l’éloge d’un quelconque aspect de ce film, ma foi, je m’épancherai volontiers sur le jeu d’acteur de Cate Blanchett. Elle a su à la foi faire de Jasmine une femme un peu hautaine et pourtant si fragile, déterminée et psychotique sur les bords, sans jamais s’effacer complètement d’elle-même. En parlant de psychose, il aurait peut-être fallu qu’Allen mette d’avantage l’accent sur la part de névrose qui conduira sa Jasmine à ce suicide matériel et social. Parce qu’au final, c’est uniquement à ce moment que l’on comprend et que l’on commence à s’intéresser à cette femme qui malgré sa superficialité n’a pas hésité à abandonner ce qu’elle s’était évertuée à construire.

DouceDib
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le 28 janv. 2016

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DouceDib

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