Sur les 2heures 25 qu’a duré le film, pendant au moins vingt-minutes j’ai eu affreusement peur de m’ennuyer et de regretter, les fesses vissées à mon siège, mon choix. Et pourtant agréablement surprise, je me suis laissée entraînée par l’adaptation de David Fincher.


Le visuel typique du cinéma outre-atlantique (ces nuances de bleus froids et d’orange) permet une insertion réussie dans le monde de nos époux parfaits. Leur vie est lisse, sans encombre. On les voit rois à New-York, ville de leur rencontre, fief de leur règne amoureux pendant quelques temps. Ces séquences idylliques s’enchaînent, sans grande information chronologique : bout par bout David nous peint la vie parfaite d’Amy et Nick, avec un léger glissement vers le fatidique. En tant que spectateur on sent que la vérité est ailleurs. Et justement, cette vérité nous est révélée dans le Missouri, où par les circonstances de la vie, notre jeune couple va être amené à déménager. Toujours grâce à ce jeu de couleurs américain où les teintes bleues et orangées sont mises en avant, la ville où Amy et Nick vivent désormais, tout nous semble tout aussi lisse et beau. Les voisins, les chiens et même les policiers y sont beaux, charmants. C’est seulement lorsque l’on comprend que quelque chose dans la vie de cette charmante ville pavillonnaire vient de basculer, que l’on croit voir des signes de culpabilité chez chaque habitant. Nick, le jeune marié est automatiquement le suspect numéro un. Mais j’ai pour ma part non seulement suspecté les parents qui ont une obsession assez dérangeante de l’image fictive qu’ils ont crée de leur fille, mais aussi la soeur jumelle de Nick qui partageant un lien très fort avec son frère, ne pratique pas la langue de bois et ne cache pas ses « réticences » par rapport à Amy.


La clé de voûte du scénario est la disparition tragique et subite – voire incompréhensible – de cette dernière. Cependant ce qui rend Gone Girl intéressant, c’est la capacité qu’a eu David, de parfaitement dépasser le pathos de la disparition d’un être cher et de nous montrer les mécanismes qu’il y a autour. L’engouement de l’entourage, les guerres médiatiques interposées au sein même de la famille, les objecteurs moraux qui pour la plupart nourrissent leur besoin de justice par des faits rapportés complètement sortis de leur contexte. Les mécanismes en effet, d’une Amérique [D]es apparences (par Gillian Flynn, titre du livre adapté) où l’opinion publique fait et défait des vies. Où le coupable d’adultère, en se repentant (j’insiste bien sur la connotation religieuse du terme) devient le symbole de l’homme faible et humain, qui est conscient de sa faute et veut s’en sortir. Cette même opinion publique qui pense avoir à donner son avis lorsque jugeant grâce du paraître, va condamner sans ménagement le mari et ses attitudes étranges face à la disparition de sa bien-aimée, qui elle, est la représentation de la femme brillante, belle, bienveillante, en somme la personnification même de l’American Girl. Au-delà de cette critique virulente des médias et de la viralité des informations de nos jours, c’est bel et bien une satire du mariage et de ses rouages que David nous offre : en plus de sauver les apparences de votre couple face à votre famille et vos amis, imaginez-vous le faire face à une nation entière qui vous pense comme le coupable idéal. Le cinéaste de manière quasi chirurgicale entre flashbacks, ellipses et temps présent, va montrer ce qui se cache en deçà de cette institution. Comment l’entité du couple marié appelle à la routine, l’incompréhension, la domination de l’un par l’autre, aux faux-semblants, à la manipulation et le chantage affectif, la menace, la peur. Bien sur tous ces sentiments y sont décuplés par le fond polar du film.

DouceDib
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le 28 janv. 2016

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