Annette ou le film qui n’en est pas un

Si le 7eme art nous a offert les plus beaux moments d’art, il est aussi à l’origine d’une scission dans la société. La première catégorie est celle que je pourrais appeler les cinéphiles snobs, une catégorie de personne qui semble trouver leur pied dans l’analyse minutieuse frame par frame de chaque film et de la référence discrète à Bergman et Otto Preminger dans chaque film qu’il regarde, en somme des gens qui ont aimé Annette. La seconde contient les autres cinéphiles et le quidam qui arrive à s’extasier devant un film banal sans révolution cinématographique. Laissez-moi vous expliquer pourquoi je fais partie de la seconde catégorie, des gens qui n’ont pas aimé Annette.
Annette a un très bon début ; la musique des Sparks, la mise en scène est entrainante, la présentation des protagonistes avec Henry et son stand-up est extrêmement prometteuse et on se laisse porter par cette introduction. Cependant c’est bien la seule chose qu’Annette a de positif. Le film a été réalisé pour la première catégorie de personne, ce n’est qu’un enchainement de scène à la mise en scène parfaite, à la réalisation parfaite, à la colorimétrie parfaite, à la [insérer quelque chose] parfaite. Etonnamment, le défaut principal du film c’est sa perfection quasi autistique voulu par Carax, cet orgueil de cinéaste qui se dit qu’il a besoin qu’on reconnaisse qu’il a fait un chef-d’œuvre, cette volonté maladive de montrer son pedigree de réalisateur et montrer que lui, il réalise « out of the box », Leos Carax a fait du cinéma mais est très loin d’avoir réalisé un film ; le problème c’est qu’en voulant créer un film « branlette de cinéphile », Carax oublie le plus important dans un film, notamment dans un film parlant d’une séparation et de sujet aussi lourd que l’utilisation de son enfant par ses parents, les émotions. Ce film est d’un plat insupportable, impossible de s’attacher une seconde à ses personnages qui sont sans aucune nuance, Adam Driver le brun ténébreux trop méchant chevauchant sa moto comme le GhostRider (la scène du loup étant à mourir de rire), Marion Cotillard la femme fatale qui devient un fantôme qui te hante. J’ai bien compris que Carax voulait faire de ce film un opéra, une tragédie grecque, le problème c’est qu’il s’est trompé de média.
Ainsi passé les éléments pour lequel le film peut être apprécié, on se retrouve avec un navet à l’histoire banal, qui n’apporte rien d’autre que des topoï de comédie romantique liquoreuse comme on peut en voir à la pelle sur M6 ou NRJ12, un couple qui se sépare et l’enfant qui en pâtit. La seule prouesse que je peux donner à Leos Carax, c’est d’avoir réussi à faire tenir ce pauvre scénario pendant 2h20 (c’est très long !), je sais bien que le film ne se veut pas avoir un bon scénario (ou si c’est le cas c’est vraiment raté) mais quand tout le reste nous a déçu, on essaie de s’accrocher à n’importe quoi et ce qui nous reste sous la main est encore pire.
Le manque d’émotions palpables se ressent également au travers des musiques (qui ont été vendues comme splendides) qui outre la musique d’intro des Sparks manquent franchement de saveurs, souvent répétitive à en mourir et vide de toute parole intéressante (3 minutes de « We love each other so much »). Alors oui ce film propose des images grandioses (la scène du bateau est très belle) mais il ne suffit pas que de ça pour faire un film intéressant. Je ne pensais pas voir un nanar en ouverture de Cannes, mais attention je vous entends déjà ! un nanar d’intello et un nanar qui se prend au sérieux, rendant la chose encore plus énervante. Alors je mets 1 mais c’est un 1 qui vaut 0 si cela existait, voir -1.

TheSinRedLine
1
Écrit par

Créée

le 13 juil. 2021

Critique lue 588 fois

2 j'aime

TheSinRedLine

Écrit par

Critique lue 588 fois

2

D'autres avis sur Annette

Annette
Sergent_Pepper
8

Baths of glory

Revoir Holy Motors, sorti il y 9 ans, constituera probablement la meilleure clé d’entrée pour investir l’univers d’Annette : comme lui, ce nouveau film de Leos Carax honore et interroge les...

le 7 juil. 2021

185 j'aime

10

Annette
matteop
4

It’s time to start, but without me

Annette, on y est soit emporté soit totalement mis de côté. C’est du moins ce que j’ai cru comprendre en observant le caractère manichéen des critiques qui en sont ressorties. Je me range dans la...

le 8 juil. 2021

126 j'aime

7

Annette
mymp
2

Patatrax

[Chœur] Comment se fait-ce ? Comment se fait-ce ? Un truc pareil, comment se fait-ce ? Et comment l’appeler, ce truc ? Une catastrophe, peut-être un accident industriel ? Un navet, simplement ? Une...

Par

le 9 juil. 2021

77 j'aime

4

Du même critique

Love Life
TheSinRedLine
10

"Jiro tu n'as pas changé, tu ne regardes toujours pas dans les yeux"

Love Life raconte l'histoire d'une vie comme il en existe exactement 7.7 milliards actuellement celle de Jiro,Taeko et Keita ; un couple, un mariage, une maison, un enfant. C'est pourtant au travers...

le 15 juin 2023

1 j'aime

Sans filtre
TheSinRedLine
3

Le caca c'est marrant mais c'est long

Si vous aimez les films dont l'humour se basent sur un éclat scatophile, des clichés resservis depuis des décennies, le film est fait pour vous. Sinon ce film n'a rien.Malheureusement en le voyant on...

le 22 oct. 2022

The VelociPastor
TheSinRedLine
10

Le jurassique n'a jamais été aussi beau!

En bref, ce film est une pépite.Ce qui rend ce film d'une force inegalée, c'est sa simplicité initiale, un homme d'église dans sa routine. Cependant ce quotidien va être rompu par une scène poignante...

le 28 oct. 2022