"Jiro tu n'as pas changé, tu ne regardes toujours pas dans les yeux"

Love Life raconte l'histoire d'une vie comme il en existe exactement 7.7 milliards actuellement celle de Jiro,Taeko et Keita ; un couple, un mariage, une maison, un enfant. C'est pourtant au travers de ce tableau que l'intrigue et le sens du film se nouent. Lors de la mort tragique de Keita, le film semble se diriger vers un pathos du genre: larme, colère, culpabilité... Un énième film sur les différentes étapes du deuil mais cette fois-ci en japonais.

Le film tire son épingle du jeu dans les fils qu'il tire entre les personnages, entre la détestation, l'amour et le regret (ou remord). Il instaure dans le cadre de cette vie banale, mais justement si évocatrice de ce que nous sommes tous, les différents sentiments qui accompagne le sentiment amoureux sous toutes ses facettes avec un brio et une humilité qui demande le respect.

Un dialogue avec sa belle-mère décrit parfaitement le sens du film "tu as été guidée"; le film insiste sur les différentes ramifications d'une vie, de ses regrets et de ses aboutissements, et on assiste à ce couple semble-t'il si parfait qui se replonge dans son passé et qui voit comme par magie son ex-mari, son ex-femme réapparaitre. "Aurais-je été mieux avec elle?", "Je n'aurais pas du le quitter", "Et si on se remettait ensemble? Non j'ai mon mari maintenant...", autant de questions sans réponses qui sont posées sans être dites mais qui se transmettent au travers de l'élément le plus le important de la réalisation: le regard.

L'affiche du film est déjà si évocatrice à ce sujet, deux personnes que tout uni mais qu'une seule chose sépare: ce regard si important, si simple à poser mais si difficile à maintenir. C'est ce regard qui éclaire la route amoureuse de Taeko et Jiro, l'une ancienne mariée avec un malentendant vivant dans l'obligation de maintenir ce "eye contact", l'autre incapable de maintenir ce contact: "Jiro tu n'as pas changé, tu ne regardes toujours pas dans les yeux". Le film encapsule parfaitement la complexité du sentiment amoureux: "Que dois-je faire pour lui plaire?" mais également sa simplicité enfantine: il suffit simplement d'un regard pour lui plaire, pour le pardonner. La scène de clôture en ce sens est un chef-d’œuvre de subtilité. Elle ne conclut pas et ne donne pas une réponse à la relation de Taeko et Jiro mais appuie encore une fois de plus sur la frivolité de ce sentiment si incontrôlable mais qui pourtant pourrait se résumer à un regard partagé.

En somme, un grand film à la réalisation plus que symbolique et nimbée de sens qui détruit la notion de cristallisation amoureuse pour en révéler une vision bien moins romancée, l'amour est formé de ramification et ce que l'on appelle "l'amour de notre vie" n'est simplement qu'un chemin qu'on a choisi parmi d'autres ou voire même qui nous a été indiqué, comme guidé par une force extérieure. Le film parle de ces autres chemins qui parfois recroisent celui que l'on parcourt.