Lattage de gueule [saison 3]

Le Hollywood reporter : “Si vous avez besoin de chercher sur Google le sens du film quand vous rentrez à la maison, c’est qu’il était un échec #MotherTheMovie” (tweet du 17 septembre 2017).
Réponse de Seth Rogen : “Or you just didn’t get it / Ou tu n’as juste pas pigé”.

Et c’est ça qui m’énerve avec Twin Peaks et les critiques acerbes qu’on en fait, comme quoi Lynch n’a plus d’inspiration pour nous pondre ça, qu’il meuble le temps de série avec des conneries sans sens.
Bordel, les gens, quand on ne comprend pas ça ne veut pas :

• Forcément dire que ça n'a pas de sens


• Forcément dire que c'est de la merde

Alors oui, cette saison 3 ne fait pas dans le fan service (on attendait Lynch au tournant pour lui latter la gueule avec le fan service, il n’en a pas fait, on lui latte la gueule avec autre chose).
Et oui, cette saison 3 est extrêmement frustrante et oubliez l’idée de tout comprendre sur l’intrigue Laura Palmer au premier visionnage. Oubliez l’idée de tout comprendre tout court d’ailleurs. Lynch se décentre de Twin Peaks, emmêle les temporalités et les personnages, multiplie les intrigues.
On dirait même que Lynch fait tellement ce qu’il veut qu’il en oublie totalement le spectateur, nous quoi… Et là où ça devient le plus flagrant, c’est qu’il nous rend notre Dale Cooper qu’à l’avant dernier épisode (d’une saison qui en compte 18). Sadique va !

Et souvent, vous sentez que vous approchez de la clé de l’énigme. Vous pensez trouver une référence à tel ou tel film, comme si cette saison 3 était la clé de voûte de l’oeuvre lynchienne. L’Oeuvre des oeuvres. La Jupiter du système solaire de son imagination, pour reprendre la jolie métaphore kingienne.
Mais ça vous file salement entre les doigts, comme un poisson gluant.
Cette saison 3 de Twin Peaks est peut-être même l’apogée du cinéma de Lynch (car décidément, s’il s’agit bien d’une série, elle a tout d’un énorme film comme beaucoup d’autres séries actuelles). Un condensé d’arts. Des textures. De la musique, beaucoup. Le cinéma, évidemment. La photo.

Tellement d’atmosphères, saupoudrant ces dix-huit épisodes. D’atmosphères tellement fortes qu’il suffit de fermer les yeux pour y retourner, comme par magie. La forêt. La station service. Le désert. Toujours baignées des lumières qui ont fait et font toujours le cinéma de Lynch.
D’atmosphères sonores, également. Ouvrez n’importe quel épisode, n’importe quand, et poussez le son au maximum. Même quand le silence règne, vous entendrez ces bourdonnements incessants et dérangeants. Jusqu’à nous étouffer. Jusqu’à nous assommer. Ces soupirs, ces vibrations électriques, ces craquements, ces bruits organiques de succion, de déglutition, qui font de cette troisième saison une sorte d’objet télévisuel vivant.

Puis ce final, posant finalement plus de questions qu’il n’apporte de réponses. Ce cri suspendu dans la nuit, fermant une sorte de circularité et rappelant bien évidemment le regard vide de Cooper dans le miroir brisé de la 2e saison.

Bref, regardez cette troisième saison. Regardez surtout le reste de la filmographie lynchienne si ce n’est déjà fait. Lisez les livres de Frost, aussi. Laissez vous prendre par cet univers tordu et dérangé, mais décidément libre qu’est celui de David Lynch.

PS: Twin Peaks saison 3, le film de l'année 2017 pour les Cahiers du cinéma !