True Detective saison 1 :
C’est un euphémisme de dire que cette première saison de True Detective aura déchainée les passions. Cet objet télévisuel nous plonge en pleine Louisiane, au fin fond des marécages les plus boueux, dans les plaines dissimulant les pires cauchemars. En 2012, deux hommes sont interrogés sur une affaire qu’ils avaient résolue 17 ans plutôt. En 1995, on voit ces deux agents du FBI, Martin Hart et Rust Cohle, enquêter sur le meurtre d’une jeune femme, assassinat aux allures de sacrifices rituels.
True Detective c’est avant tout une atmosphère. Visuellement, la série ultra travaillée, met un point d’orgue à ne jamais mettre la réalisation de côté. Dès le premier épisode, l'ambiance désenchantée et sombre de la série plane pour ne plus nous relâcher. La photographie parfois immense et quelques moments de bravoures génialissimes (plan séquence épisode 4) jalonneront une série qui ne manquera pas de sel. Sans parler du générique qui vaut le coup d’œil à lui tout seul avec ses iconographies graphiques somptueuses. Avec tous les films qui sortent sur cette mouvance « rednecks », on aurait pu très vite sentir le filon et croire que cette virée en enfer chez les bouseux sentirait le déjà vu.
Mais c’est sans compter sur la fabuleuse direction artistique made in HBO qui transforme ce polar en véritables descentes en enfer. True Detective arrive à créer sa propre "mythologie" et son propre environnement graphique, à l'image de ce labyrinthe de Carcosa qui suinte la peur à chaque recoin. Dans l’épisode 8, toute cette séquence dans le labyrinthe psychique et environnemental du meurtrier, toute cette crasse, ce décor foisonnant, cette violence latente, cette moiteur pour se finir dans ce sanctuaire mortifère laissant exploser une violence de malade, sera impressionnant de perfection. 20 minutes de pur frisson.
Comme il l’est indiqué au début, la série au fil des épisodes se faufilera dans différentes époques. Cette volonté de multiplier les propos par différentes interviews et de changer à sa guise de temporalité aurait pu être une idée redondante et casse gueule. Au final la série s'en sort avec les honneurs, avec une qualité d’emboîtement et de précision du montage parfois flamboyante, comme le montre cet épisode 5 plus que brillant. Cela fait que l’enquête ne meurt jamais, et évolue à chaque instant, même si, avec tout ce qui a été dit, on aurait pu s'attendre à plus de révélations (notamment sur la fille de Martin).
True Detective tient aussi sur les épaules de ses deux personnages, notamment Rust, qui est l’un des personnages les plus fascinants vus à l’écran depuis longtemps. L'interprétation démoniaque et toute en retenue de Matthew McConaughey. Homme bouleversé par la mort de sa fille, associable, nihiliste, distant avec les autres êtres humains, il se démarque par ses longs monologues psychologiques paressant un peu pompeux, mais qui font sens avec le poids des années, offrant certains moments suffocants (la fin de l'épisode 3) et mettant en scène des séquences d'interrogatoires magnétiques et perverses.
Son défaut, si elle en a un, c'est sans doute son manque de subtilité notamment dans les séquences d'interactions entre personnages et surtout dans la vie familiale de Martin Hart. Sans être déplaisant ou clichés, et rentrant dans les thématiques de la série, comme celles de la destruction de l'enclos familial, ses problèmes conjugaux de Martin Hart, ne sont pas les moments les mieux construits de la série mais nous offrent quelques instants érotiques HBO’s style, visibles à des kilomètres mais qu’on prend avec un certain plaisir au vu des plastiques magnifiques de Lili Simmons et d’Alexandra Daddario. True Detective prendra son temps, avec ce rythme presque contemplatif et léthargique, construisant une relation divergente entre ces deux agents. On s’immiscera dans leur intimité, nous dévoilant leurs cicatrices les plus béantes.
True Detective, avant d’être une série policière comme une autre, est avant tout une aventure humaine, qui donne droit à de nombreux dialogues entre les deux détectives, qui vont se lier d’amitié, passant par toutes les étapes durant toutes ses années. La qualité d'écriture du show, permet de retomber toujours sur ses pattes avec toujours la phrase qui fait mouche. Non dénue de défauts, True Detective est un coup de maitre, avec ses innombrables qualités cinématographiques, se finissant par un monologue faisant écho dans le plus profond de la noirceur de cette série. Le duo Pizzolatto/Fukunaga a travaillé son sujet et le fait qu’ils n’aient presque pas délégué le boulot permet une réelle cohérence esthétique et narrative dans toute la continuité de la série.