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Wind River est le premier film de Taylor Sheridan dont il signe aussi le scénario, ainsi il conclut sa “frontier trilogy” ou Trilogie de la frontière américaine. Oui on sait compter.


Avant d’avoir l’étiquette de réalisateur, le monsieur était scénariste, et pas un rigolo vu qu’il a signé Sicario (Denis Villeneuve) et Commancheria (David Mackenzie) pour lequel il a été nominé aux Oscars (où il a perdu face à « Casey-Affleck-s-occupe-d-un-petit-con-dans-un-monde-où-les-antidéprésseurs-n-existent-pas by the sea » et je ne m’en remets toujours pas). Ces deux scripts se passant donc de part et d’autre de la frontière USA-Mexique, deux excellents thrillers différents dans leur approche du sujet mais liés par une « patte » commune : un duo de personnages torturés, une approche réaliste quasi cinéma social par moments et une vision assez noire de l’Amérique.


Rebelote avec Wind River qui reprend des éléments ayant déjà fait leurs preuves dans les histoires à la Sheridan : un fils du pays hanté par son passé et jeune recrue du FBI en terrain inconnue dans un territoire où la nature n’est pas douce avec des indiens expropriés (rappelant le Texas crépusculaire de Commancheria). Les correspondances sont nombreuses, par exemple l’importance des casinos indiens de Commancheria dont on retrouve ici l’esprit dans le traitement des exploitations de pétrole au sein la réserve indiennes et leurs écueils de gestion. Sa trilogie est belle est bien liée par une unité subtile dans les thèmes où le pot de terre part combattre le pot de fer, il prend le pouls des problèmes endémiques américains avec une justesse rare.


Wind River est donc un thriller diablement efficace, profitant notamment de son environnement glacé pour nous offrir une photographie léchée entre le bleu du ciel et la neige. Un premier film maitrisé notamment porté les Avengers Elisabeth Olsen et Jeremy Renner dans un grand rôle principal de garde forestier reconverti dans la chasse à l’homme. Le tout porté par la musique de Nick Cave et Warren Ellis, deux autres artistes récupérés de Commancheria. Alors qu’est ce qui m’empêche de danser extatiquement la polka à peine le générique fini (à part que sur un siège de ciné il y a pas la place) ?


En fait, Taylor Sheridan se révèle le plus critiquable là où je ne l’attendais pas du tout : le scénario a du plomb dans l’aile…


On a le cliché tellement classique que l’on ne voit plus du duo de héros dont la relation va beaucoup trop vite pour la durée sur laquelle se passe notre intrigue (une poignée de jours), erreur que ne faisait PAS Sicario avec Blunt et Del Toro, mais surtout on se paye un flash-back rempli d’explications bien claires sur ce qui se passe en plein pendant le climax du film, histoire de le couper en deux. La tension de la scène n’y survit malheureusement pas.


D’autant plus dommage car Sicario/Commancheria ne comporte aucun retour en arrière, le passé des personnages se devine par ce qu’ils veulent bien nous en dire en laissant des points d’ombre, faisant de ces deux films une sorte de fuite en avant de ses protagonistes pour nous emporter au passage. Ce choix dans Wind River revient à insérer dix minutes de flash-back montrant le tueur qui va boire un café chez sa dernière victime au milieu du final de Seven ! Ça marche peut-être sur papier, mais cela met vraiment un coup d’arrêt au film. C’est toujours rageant de passer à deux doigts du chef-d’œuvre.


Reste ensuite quinze minutes de film, que je ne renie pas notamment avec une superbe scène de discussion avec Gil Birmingham dont je me souviens encore trois mois après, mais qui me fait me dire que Wind River rompt l’équilibre subtil entre thriller sans concession et message social que Commancheria avait trouvé.


Wind River demeure un film hautement recommandable même si le soufflé ne prend pas et que sa fin à quelques longueurs qui restent bien filmées et jouées. Que dire, j’attendais mieux mais ce n’est pas pour ça que ce n’est pas bon, loin de là.

Cinématogrill
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le 27 août 2017

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