Visions
5.2
Visions

Film de Yann Gozlan (2023)

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Boîte noire avait su convaincre en 2021, par un savant alliage de savoir faire technique et un thriller de plutôt bonne facture :** Yann Gozlan** revient, pareillement armé, nous proposer Visions, qui va mettre à mal la crédulité et la santé mentale d’Estelle, pilote de ligne retrouvant un amour de jeunesse sur le point de lui faire perdre pied.


L’exposition est très explicite quant au registre que le film ambitionne d’exploiter : dans ces grandes villas sur la plage, ces plans d’ensemble trop grands pour rassurer la silhouette qui s’y déplace, et cette attention clinique accordée aux cadres, le luxe froid infuse une atmosphère étouffante et anxiogène. La mise en scène précise et très maîtrisée de Gozlan **épouse avec pertinence l’attention portée à tous ces appareils qui gère la vie de la protagoniste, comme pour actualiser un hommage très assumé aux grands maîtres du registres, **Hitchcock **et son _**Vertigo **_pour l’ambiance côtière et la musique vénéneuse, et **De Palma dans le sulfureux trio lesbien entre la blonde et la brune qui ne va pas tarder à faire valser toutes les certitudes.


Les promesses du vacillement sont très vite posées, et, tout aussi rapidement, posent question quant à leur pertinence : perte du point, flashes, rêves, gros plans insistants d’iris, visions récurrentes viennent ainsi saturer la narration, et ne la quitteront pas dans un film bien trop long pour la maigre intrigue sur laquelle il navigue.


Car sous ce décorum assez poussif se loge un récit que nous ne vivrons pas : celui d’une vibration des cœurs, du frémissement des cœurs, de l’histoire d’un couple potentiellement en crise, en un mot, l’existence incarnée de personnages. Rivé à sa maîtrise, **Gozlan **échoue dès qu’il s’agit de donner chair à ses figures, et mise tout sur un scénario qui finit par le perdre lui-même. La structure consistant à commencer une séquence sans savoir si elle s’achèvera par un réveil en sursaut est déjà en soi un cliché assez lassant : elle prend ici des proportions pénibles lorsqu’on constate que certains motifs (les méduses, par exemples) ont tout du remplissage, dans un récit déjà trop dilaté pour convaincre. Si la résolution fait au moins l’effort de ne pas trop perdre de vue un cadrage crédible, elle n’en reste pas moins assez laborieuse, et arrive à un point où l’on a perdu de vue ce qui aurait pu véritablement nous raccrocher aux personnages, figures ternes embarrassées de poncifs.


Il ne fait pas de doute que **Gozlan **fera mieux, parce que ce film, comme les précédents, révèle un talent indéniable de mise en scène. Pour le moment, il montre surtout à quel point les glorieux aînés qu’il pastiche avaient su ajouter un supplément d’âme à leur maîtrise technique.

Sergent_Pepper
4
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le 10 sept. 2023

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Sergent_Pepper

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