(Journée Laclos : 3/4)

J’ai pour habitude d’être un mauvais critique lorsqu’il s’agit d’une adaptation d’un chef d’œuvre de la littérature : Mme Bovary de Chabrol ou La Bête Humaine de Renoir n’ont pas trouvé grâce à mes yeux.
Pour Valmont, le défi est double : s’inscrire dans le sillage de Laclos, et rivaliser avec Frears, qui s’en était, huit mois plus tôt à l’époque, plutôt bien sorti
Là où Frears jouait sur l’épure de l’écriture théâtrale et intimiste, Forman mise sur les gros moyens de la reconstitution historique. Tout est prétexte à d’amples scènes d’extérieur (marché, bal, opéra, mariage…) où la foule des figurants le dispute à la précision des décors. Pour ce qui est du récit, il faut reconnaitre à Forman le mérite de l’audace. Par l’entremise de Carrière, c’est davantage une relecture qu’une fidèle adaptation de Laclos qu’il nous propose. Plus affranchi du modèle, auquel il ne donne d’ailleurs pas le titre originel, il se concentre autour de la figure de Valmont, séducteur souriant et s’adonnant à des petits manèges de comédie, entre Marivaux et Musset : on se cache dans les escaliers, on feint la noyade, et l’on tombe bien vite amoureux de Mme de Tourvel. De son côté, Merteuil tranche aussi : à la femme marmoréenne à la lisière de la maturité de Frears, on oppose ici une veuve joyeuse et solaire, riant sans cesse, minaudant ses perfidies.
Bien plus romanesque, Valmont gagne en rythme et ce qu’il perd en épaisseur psychologique. Les aménagements avec le récit, notamment dans la relation avec Mme de Tourvel qui se borne à un adultère passager, voire une romance assez kitsch, affadissent considérablement le propos. Nulle tension, aucune complexité si ce n’est l’illustration d’un jeu qui finit un peu mal.
A l’aise dans le film d’époque, (comme pour le précédent Amadeus) Forman semble prisonnier de son décorum, trop amoureux des dorures et du vernis pour oser les décaper.
Sergent_Pepper
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le 17 avr. 2014

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