Entre clichés laborieux sur la solitude, caractérisation à la truelle de ses personnages, Une belle fin fait l’effet d’un film poussif qui ne manque pas d’idées mais cumule les mauvais choix narratifs pour les illustrer. Partant d’un postulat de départ des plus original, Uberto Pasolini s’embourbe très vite dans des lieux communs discutables, comme celui de faire de ce traqueur de famille, de cet organisateur d’enterrement, un solitaire névrosé lui-même. Les repas en tête à tête avec le thon en boite, la minutie pathologique qui le caractérise donne à cet essai sur la solitude des airs de fable sensationnaliste un peu facile. A croire qu’une personne seule est forcément un sociopathe en puissance, incapable de s’occuper, ni de se faire à bouffer —le mec découvre les glaces à 44 ans quand même —.


Une belle fin est un film bancal qui repose entièrement sur une idée originale sans parvenir à l’exploiter sur la distance. Au bout d’une demi-heure, le sujet s’essouffle, tant et si bien que Uberto Pasolini tente de lui redonner de l’intérêt en l’accompagnant de violons langoureux détestables et de petites scénettes satiro-comiques qui tombent à plat, comme ce passage laborieux où Père May va partager quelques lampées de whisky avec deux brebis égarées, ma foi bien hospitalières.


Pour autant, le film n’est pas dénué de qualités, la bifurcation du travail administratif vers une enquête en bonne et due forme parvient à relancer quelque peu la machine —il était temps—. Dès lors, on est tenté de faire l’impasse sur ses raccourcis pompeux pour apprécier à sa juste valeur la bonne idée qui propulse Une belle fin. Et puis vient le dénouement, pied de nez complet au titre français, qui démonte ce qui a été construit jusque là en s’engouffrant sans réserve dans une facilité scénaristique prenant pour cible les glandes lacrymales de l’audience. Parce que dans le genre farce de petit malin que l’on voit venir à des kilomètres, la fin du film d’Uberto Pasolini est un grand majeur tendu au public, croyant le prendre de court par une pirouette digne du « koukou cé ki ? » d’une petite fille cachant les yeux de son papa par surprise.


Du moins, je l’ai ressenti comme ça, cet artifice narratif et visuel final m’a fait l’effet d’une imposture à grande échelle, qui vient confirmer que toute discussion n’est pas envisageable, au moyen d’une surenchère dans le pathos qui divisera certainement le public en deux camps bien distincts : ceux qui percevront la pirouette comme un appel à la réflexion et les autres comme une blague Carambar sans Carambar. Dès lors on s’interroge sur le message : « la vie est trop courte », « la solitude c’est pas gai », « mourir c’est pas la fête » ou encore « pas de bol, la blondinette, c’est pas pour toi ? » … je m’interroge encore, mais une chose est sure, 1h30 pour si peu, c’est bien trop long.

oso
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le 17 mai 2015

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