Avant de démarrer cette critique (qui est un peu longue) 2 mots : Underground est un des films qui m'a le plus marqué de toute ma vie, et fait partie de la trilogie grandiose de Kusturica : Le Temps des gitans - Arizona dream - Underground. Trois films qui sont littéralement des chef-d'oeuvre. Oui monsieur.

Il y en a eu d'autres, des fresques historiques souvent trop longues, dans lesquelles des cinéastes tentent de retracer l'histoire et les tourments de leur nation, par exemple 1900 de Bertolucci (5h !!!). Ici on retrouve la même sorte de motivation. Retracer l'histoire de l'ex-Yougoslavie, de la fin de la seconde guerre mondiale à son éclatement. Mais peu de réalisateurs ont "osés" parler de leur pays à la manière de Kusturica.

Le conflit civil qui opposa les différents peuples de Yougoslavie, et qui mit fin à la Nation, est au final peu traité dans le film et n'apparaît que comme une "conséquence" des relations entre serbes et bosniaques. Une histoire houleuse, que des polémistes comme Finkielkraut sont à des antipodes de comprendre. Les nazis durant la seconde guerre mondiale ont accusés les serbes de torturer des bosniaques et d'avoir des mœurs douteuses... L'image serbe des bosniaques en fut grandement affectée, mais le fait que ces derniers ont soutenus les nazis leur donna également mauvais crédit auprès des serbes.

Une haine vieille et féroce dans les deux camps donc, qui se consuma dans la haine durant la guerre civile d'ex-Yougoslavie. Mais Kusturica n'avait décidément pas envie de nous servir de la haine et de la misère avec son film, comme aiment le faire trop de cinéastes bien-pensants. Non là on a des meurtres cruels, du mensonge odieux, de l'adultère sulfureux, mais jamais servi froid. Tout est chant, tout est rythme, tout est musique. La vie s'écoule en Yougoslavie, cruelle, brutale, mais avec une douceur et un recul étonnant pour l'époque où le film fut tourné.

Jamais le trio amoureux que l'on suit durant le film ne se complaît dans le pathos, la misère, le désespoir. Ils sont au contraire suivis de près par un humour riche et malveillant, qui les fait tourner en bourrique, les fait persévérer dans l'erreur et les fait échouer dans leur bonheur. Marko fait croire à Blacky que la guerre n'est pas finie, et lui envoie sa femme pour le "réconforter" et le faire persévérer dans ses croyances. Mensonges et adultère. Totalement immoral et totalement surréaliste. Les amateurs de réalisme cru doivent en sauter de leur balcon. Ce film ne cherche pas à faire un compte-rendu de son pays, et HEUREUSEMENT ! Car il y aurait trop de comptes à rendre...

Mais le film ne met pas le tragique de côté pour autant, sans jamais verser dans le tire-larmes. Le déroulé du film en lui-même n'annonce pas une fin tragique. La mort de Jovan est l'élément déclencheur du début de la fin. "Vous n'auriez pas vu Jovan ?" Répète inlassablement Blacky à la fin du film. Le tragique, comme dans la plupart des films de Kusturica est relégué à la fin. Mais c'est surtout pour mieux servir d'apothéose aux diverses événements surmontés dans ses films. Là, Kusturica nous offre peut être une des meilleures fins de film de tous les temps (si si). Pratiquement biblique.

Cette fin, pourtant, est précédé de la mort de la plupart des protagonistes principaux. L'espoir a disparu. Mais voilà qu'ne "vision" du paradis s'offre à nous, à la fois belle et triste. Belle parce que métaphysique, triste parce que inexistante. Si seulement tous les problèmes pouvaient être résolus aussi facilement... Une illusion totale de la part du réalisateur, qui permet de conclure le film.

La musique de Goran Bregovic, musicien que j'ai découvert grâce à Kusturica et qui est devenu une vraie passion, vient appuyer le film en lui livrant un orchestre symphonique totalement jouissif pour ceux qui apprécient la zik' balkanique.
Arthur_Duclos
10
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Top 10 Films et Une chanson ; Un film

Créée

le 5 sept. 2013

Critique lue 651 fois

9 j'aime

1 commentaire

Arthur Suldoc'h

Écrit par

Critique lue 651 fois

9
1

D'autres avis sur Underground

Underground
Sergent_Pepper
8

Les noces révèlent.

Des débuts en fanfare : c’est, au sens propre comme au figuré, l’ouverture tonitruante d’Underground : l’éclat des cuivres, la course folle et éthylique ponctuée de chants braillards, de billets de...

le 8 mars 2017

47 j'aime

6

Underground
TheBadBreaker
9

Mis dans l'abîme

Tout est là. Dès les premières secondes, tout est là. Une musique folle, entrainante, une fanfare, des billets qui volent, des coups de feu anodins, la folie, le délire. Et surtout, des personnages...

le 1 déc. 2014

40 j'aime

23

Underground
EIA
10

"La guerre n'est la guerre que lorsque le frère agresse le frère."

Bien des critiques ont déjà dû être faites sur ce film et la mienne n'apportera certainement pas un éclairage révolutionnaire, néanmoins si quelques uns lisent cette critique se trouvant être dans le...

Par

le 23 févr. 2014

34 j'aime

6

Du même critique

Euphoria
Arthur_Duclos
9

Je déteste les séries teenage

Je déteste les séries Teenage. Je déteste le lycée beaucoup trop clean de 13 reasons why, à qui je souhaite d'être squatté l'été par des ados non produits par netflix, pour y défoncer le mobilier et...

le 16 juil. 2020

10 j'aime

Le Diable
Arthur_Duclos
10

Pâle comme le diable...

Diabolique Hystérique Satanique Cathartique Et finalement peu de Hics à objecter à cette oeuvre éminemment mystique. On supportera ou l'on ne supportera pas le jeu hystérique des acteurs, qui donne...

le 27 juin 2014

9 j'aime

2

Underground
Arthur_Duclos
10

Vous n'auriez pas vu Jovan ?

Avant de démarrer cette critique (qui est un peu longue) 2 mots : Underground est un des films qui m'a le plus marqué de toute ma vie, et fait partie de la trilogie grandiose de Kusturica : Le Temps...

le 5 sept. 2013

9 j'aime

1