La question est simple : lorsqu’on traite de la vulgarité et de la violence, utiliser ce qu’on dénonce pour le retourner contre lui-même est-il honnête, et surtout efficace ?
Stone ne s’est jamais embarrassé de prudence ou de frilosité. Ici, tous les curseurs sont dans le rouge dès les premières minutes.
Puisqu’on déblatère sur l’ultra violence et de son rapport aux médias, le mélange des deux nous donne un clip géant, un zapping vomitif qui tenterait de démontrer à quel point la société se complait dans une indigestion continue, en circuit fermé, ingérant son propre dégueulis.
L’idée est séduisante, notamment lorsqu’il filme sous forme de soap les sévices subis par Mallory et sa rencontre avec Mickey, rires enregistrés et décors en carton compris.

Il faut très vite quitter le terrain rationnel pour appréhender un univers cartoonesque, qui ne cesse d’affirmer la porosité entre le fictionnel, le cinématographique et le réel. Impossible de ne pas penser à Sailor et Lula, de quatre ans son ainé, ses vociférations technicolor et sa cavale d’un couple rock, punk & destroy.

Le résultat est catastrophique, et pour tout dire, à la limite du regardable.

Tueurs nés est une insulte à la rétine, sur laquelle on va frotter du papier de verre en montant le son.

Hystérique, épuisant, criard, d’une laideur que les 80’s elles-mêmes n’ont pas osé déféquer, il ferait passer un épisode de Ken le survivant pour un plan coupé au montage chez Bela Tarr.

On voit venir gros comme un étron de Godzilla l’argument massue du cinéaste : JUSTEMENT, cette diarrhée, c’est la société américaine, pas un pour rattraper l’autre, défaillance parentale, corruption policière, sadisme pénitentiaire, complicité des médias, tout ça. D’une part, c’est atrocement lourdingue dans la démonstration, de l’autre, c’est totalement gratuit dans ses effets. Mettre sa caméra à l’oblique et passer sans cohérence aucune du noir et blanc à la couleur, insérer des monstres des années 50 ou des mangas pour « faire zapping » pourrait passer dans une séquence. Pas sur TOUTE la durée du film.

Parce que, coup de grâce, le film dure DEUX heures, sans aucune justification.

Alors oui, Stone aura marqué les esprits avec cet opus, provocateur et souillon. Il aura surtout relevé l’improbable défi de susciter à la fois le rejet, l’exaspération et l’ennui le plus profond.
Sergent_Pepper
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le 20 sept. 2014

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Sergent_Pepper

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