The future is coming and you’re not in it : cette phrase assenée à Maverick, pilote bientôt remplacé par des drones, explique autant les enjeux narratifs du film que la stratégie actuelle d’Hollywood, une industrie plus que jamais enfermée dans une boucle temporelle. Resservir, toujours, les succès d’antan pour faire vibrer les ados que furent les quinquas d’aujourd’hui, tout en convoquant leurs enfants : une formule qui jusqu’à présent fait ses preuves.


Sur ce credo, Top Gun : Maverick se voit donc obligé de reprendre un certain nombre de codes et de gimmicks dont on se serait volontiers passés : des élites des pubs Gilette, des torses luisants au Beach Volley, des concours d’ego et une musique dont un H&M ne voudrait plus construisent le petit musée nostalgique et un brin rance auquel, visiblement, le public aspire.

Mais tout cela ne relève que d’un saupoudrage dont on ne gardera pas longtemps le goût en bouche. Dès sa séquence d’ouverture qui joue la carte de la modernité technologique et lorgne presque vers la science-fiction, l’hyper vitesse de l’appareil file dans une douceur cotonneuse qui génère une surprenante poésie : assurément, Joseph Kosinski va soigner son travail.


Car ce film, bien entendu tout à la gloire de la star qui le porte, ne va pas uniquement se concentrer sur la figure du virtuose devenu à son tour patriarche. Là aussi les motifs sont éculés et les renvois au premier volet procèdent d’une écriture presque automatique. Depuis Mission : Impossible, le storytelling autour des films de Tom Cruise se fait bien en amont de l’intrigue, et dans les défis qu’il s’impose en termes de cascade ou de pilotage d’appareils d’exception. Et c’est bien ce que vient voir ici le public : des performances, au sens propre du terme, de haut vol.


C’est là la grande réussite du film que de s’articuler autour d’une mission (impossible, of course) qu’on va longuement répéter et préparer. Cruise devient ici un véritable metteur en scène, un chorégraphe des appareils, projetant une modélisation à ses pilotes pour leur expliquer toute la dramaturgie à venir : le temps, les mouvements, les enjeux. Cette unicité, cette simplicité qui construit graduellement tension et jouissance de l’image est devenu un bien rarissime dans le blockbuster, et fonctionne ici à plein régime. Le ballet des avions offre un spectacle grandiose, et n’oublie pas de faire la part belle au son par le vrombissement jubilatoire des réacteurs.

La véritable nostalgie que convoque Top Gun : Maverick n’est finalement pas seulement liée au cynisme mercantile : c’est celle du véritable spectacle projeté sur écran géant, qui parvient à nous faire rester, face à lui, d’éternels gamins.

Sergent_Pepper
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le 25 mai 2022

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