Satire déconcertante de la masculinité toxique

Lorsque sa mère meurt, le policier texan Jimmy Arnaud (le réalisateur lui-même) perd les pédales. Devant l'assemblée ébahie, il entame des pas de danse à la mémoire de la défunte, ancienne danseuse de ballet. Alors qu'il était jusqu'alors l'incarnation de la virilité, toujours sur le qui-vive et prêt à (se) défendre, le deuil précipite chez lui un retour de sa féminité refoulée. Alors que les paroles de la chanson de Bruce Springsteen que sa mère affectionnait le plus ne cessent plus de lui trotter dans la tête, il envisage peu à peu de prendre une autre voie...


Le polyvalent Jim Cummings a mis beaucoup de lui-même dans Thunder road. Pour explorer ce qu'il appelle "la masculinité toxique", ce sont ses propres émotions qu'il a courageusement sondées, et pour incarner le personnage qui était né de cette introspection, il lui est vite apparu qu'il ne serait jamais mieux servi que par lui-même. Le film qui en résulte est ainsi ironiquement une réflexion dans les deux sens du terme sur la posture de mâle auto-suffisant qui se donne pour devoir d'être partout où l'honneur et la justice semblent exiger qu'il soit. L'autodérision surpassant heureusement l'autosuffisance, l'implication du cinéaste-acteur débouche moins sur un trip nombriliste que sur une mise à nu appelant chacun à se sonder à son tour. C’est d’ailleurs comme une confession altruiste qu’il conçoit ce premier long-métrage courageux : "J'envisage mes films comme des munitions pour aider ceux qui vivent ce type d'enfer". Extrême comme peuvent être les monomaniaques de la virilité, sans pour autant tomber dans l'outrance, Jim Cummings réussit le dur exercice d'équilibriste qui consiste à dessiner un personnage à la fois comique et réaliste. Le choix du plan-séquence lui permet de déployer son talent d'acteur sur la durée et de forcer le spectateur à se brancher sur la même longueur d'onde émotionnelle que lui. Déconfiture un poil longuette d'une figure de l'Amérique traditionnelle blanche, Thunder road réussit son ambitieux pari satirique. Positivement déconcertant.

etsecla
8
Écrit par

Créée

le 13 févr. 2022

Critique lue 12 fois

etsecla

Écrit par

Critique lue 12 fois

D'autres avis sur Thunder Road

Thunder Road
Sergent_Pepper
5

Thunder Fraud

Le loser est une aubaine pour le comédien : il suppose une prise de risque, une acuité psychologique d’une grande finesse, et, finalement, un double jeu. Jouer le héros digne d’admiration est à la...

le 13 févr. 2019

31 j'aime

6

Thunder Road
Cinématogrill
5

Bonjour tristesse...

J’ai sérieusement conscience d’aller à contre-courant de la perception que semble avoir le monde entier de ce film plébiscité (à part une partie de la presse française spécialisée) mais...

le 13 sept. 2018

28 j'aime

5

Thunder Road
Roinron
5

I'm a Loser, Mother !

Drôle de film que ce Thunder Road, dont le titre provient de la chanson éponyme de Bruce Springsteen. Il démarre par un numéro d’acteur, style One Man Show déjanté plutôt bien foutu, qui laissait...

le 14 sept. 2018

16 j'aime

5

Du même critique

The Cakemaker
etsecla
7

L'eau à la bouche

Thomas (Tim Kalkhof), pâtissier résidant à Berlin, s’éprend d’Oren (Roy Miller), un homme marié vivant avec femme et fils à Jérusalem, lors du passage de celui-ci dans la capitale allemande pour une...

le 7 mai 2021

4 j'aime

2

À voix haute - La force de la parole
etsecla
8

Eloquentia

A voix haute ne se raconte pas. Il se vit. Si le documentaire est à ce point une expérience viscérale, c’est qu’avant de terminer en point d’orgue sur les médusantes performances des candidats lors...

le 23 mai 2020

3 j'aime

2

Wallace et Gromit - Rasé de près
etsecla
7

Indémodelable

Après avoir rassemblé les deux premiers court-métrages des aventures de Wallace & Gromit dans Les inventuriers, le distributeur Folimage nous propose cette fois-ci de (re)découvrir le troisième...

le 24 avr. 2020

3 j'aime