Un panier de crabe et quelques alumettes

C’est l’esprit tiraillé que j'entame la rédaction du présent avis qui promet d'être très bougon. D’un côté, The Wicker man m’a fait l’effet d’un joli manège narratif, qui a réussi à me mener par le bout du nez vers un dénouement que je n’ai pas vu venir mais d'un autre côté, ses intarissables métaphores, très lourdes de sens, m'ont passablement agacé.


L’idée de départ est pourtant efficace : enfermer sur une île peuplée de raëliens un catholique pur jus illustre en effet à merveille le paradoxe de la religion. N’importe quel message, si stupide et atroce soit-il, s’il est véhiculé par une masse d’esprits prêts à le croire, peut faire agir les foules. Voir notre petit inspecteur, enfermé dans ses propres croyances au point de rejeter tout ce qu’il côtoie de différent, en dit long sur l’intolérance d’une âme frôlant l’intégrisme. Malheureusement, de ce pitch prometteur, Robin Hardy va tirer une farce fortement exagérée dont la parabole religieuse finit par paraître un brin forcée tant elle manque de nuance. Sa symbolique omniprésente par exemple, si elle m’a amusé au début du film, a fini par me lasser.


Et pourtant, en dépit de l’exagération constante qui anime le film, de ce personnage trop caricaturé (non, monsieur le policier ne butinera pas la fleur avant le mariage) qu’est notre seul contact de confiance ainsi que de cet abus métaphorique qui caractérise l’île et ses habitants, se dégage de The Wickerman quelque chose d’hypnotique. Une sensation d’être devant une œuvre singulière, taillée dans un bois exotique à l’essence rare. Et comme tout objet un brin incongru, les sensibilités altèrent son appréhension.


Pour ma part, si la séance fut amusante, elle ne m’a toutefois pas complètement convaincu. J’en retiens une ambiance glauque réussie, quelques scènes remarquables (celle où Willow — pas le nain ! — se la joue petite sirène et essaye d’ensorceler notre horny cop, la scène dans la classe, « you little liars » ainsi que toute la fin évidemment) et son puissant sous texte sans fioriture mais y regrette l’absence de cette nuance salutaire qui aurait pu faire basculer le film de la farce revendicatrice vers le thriller noir efficace. Histoire de goût, probablement.

oso
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le 2 sept. 2014

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oso

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