Acteur de talent, longtemps abonné aux seconds rôles marquants (Full metal jacket, Feeling Minnesota) et aux rôles de bad guys (Men in Black, Salton Sea, The Cell), Vincent D'Onofrio est surtout connu pour avoir incarné Robert Goren (le fin limier de New York section criminelle) et Wilson Fisk (l'énorme Caïd de la série Daredevil). Déjà auteur d'un premier long-métrage (Don't go in the woods, 2010), D'Onofrio s'essaie ici une seconde fois à la réalisation avec The Kid, un western contemporain qui revient sur le conflit ayant opposé le légendaire Billy The Kid au shérif Pat Garrett.
Le Kid du titre n'est pourtant pas William H. Bonney mais le jeune Rio, un adolescent témoin du meurtre de sa mère par son père et qui après avoir tué ce dernier est contraint de fuir avec sa soeur, leur oncle aux trousses. Dans leur périple, les deux jeunes gens se retrouvent par hasard pris au centre du conflit opposant Pat Garrett et ses adjoints aux derniers restes des Régulateurs de Billy The Kid. Soucieux de se trouver un allié pour délivrer sa soeur, prise en otage par son oncle, le jeune Rio demande alors au célèbre hors-la-loi de l'aider.


Il est bien entendu inutile de s'attendre ici à une reconstitution fidèle des derniers jours de William H. Bonney. La particularité de la légende de Billy le Kid est qu'elle en est vraiment une : on ne sait en fait presque rien du gonze, de sa relation avec Patrick Floyd Garrett (certains historiens prétendent que loin des versions romancés du cinéma, les deux hommes n'ont jamais été amis) et de sa mort. Bonney n'est d'ailleurs ici qu'un personnage en retrait, un criminel admirable car populaire, d'humeur instable mais pas foncièrement mauvais. C'est une sorte de projection possible de ce que pourrait devenir plus tard le jeune Rio s'il choisit la voie du crime. D'où l'idée d'opposer à Billy The Kid la figure de Garret, archétype moral moins séduisant car plus froid et autoritaire.
Tout l'intérêt du film réside ainsi dans cette volonté de nous montrer le conflit entre Garrett et le Kid par le prisme des yeux d'un jeune garçon en quête de repères, sinon moraux au moins affectifs, dans un monde hostile et dominé par la violence. Le thème de la violence d'ailleurs, reste au centre du film, puisque motivant les actes de chacun des protagonistes, qu'ils soient guidés par une soif de justice, de liberté ou de vengeance. Témoin de la droiture exceptionnelle de Pat Garrett mais terrifié par la violence contenue et l'intransigeance de l'homme de loi, le jeune homme reportera toute sa confiance sur le Kid dont il admire le tempérament fougueux et le discours libertaire. Le scénario rejoindra ensuite les événements décrits par la légende, via la spectaculaire évasion du Kid de sa prison temporaire (Hello Bob !) et la nuit de son assassinat par le shérif.


Dans la plus pure tradition du western crépusculaire, The Kid propose une remise à plat des figures archétypales de l'ouest sauvage. Rien de nouveau tant D'Onofrio ne fait ici que reprendre à son compte le propos démystificateur de John Ford (L'homme qui tua Liberty Valance) et de Clint Eastwood (Impitoyable) en désacralisant à son tour un mythe de l'ouest forgé sur des témoignages douteux et des récits romancés (le livre qu'aura écrit lui-même Pat Garrett). Garret, qui n'a ici plus grand chose de la brute sanguinaire décrite par les historiens, le dira d'ailleurs lui-même dans le film : "On s'en fout que ce soit vrai ou pas, la seule chose qui compte c'est ce qu'ils raconteront après". En ce sens, D'Onofrio raconte ici sa version de la légende et choisit de faire de ses deux icônes, des personnages ambivalents et faillibles, tout aussi admirables que détestables, et aux idéaux clairement inconciliables.


La mise en scène, particulièrement soignée, révèle des parti-pris stylistiques intéressants lors de quelques séquences-clés que D'Onofrio filme de manière immersive, collant bien souvent au regard éperdu de son jeune protagoniste. A l'exception du petit Jake Schur, pas toujours convaincant, le réalisateur peut se reposer sur les qualités de jeu de comédiens étonnants. Si D'Onofrio offre ici un rôle en or à son ami Ethan Hawke (on ne compte plus les films qu'ils ont tournés ensemble ces deux-là), c'est aussi Dane DeHaan qui étonne, tant le calme trompeur de son jeu évoque celui d'un Benicio Del Toro des grandes heures. Très loin de ses marvelleries habituelles, Chris Pratt impressionne quant à lui, dans un rôle de brute à contre-emploi. Tous incarnent avec brio leur personnage dans ce western qui, s'il ne transcende évidemment pas le genre, nous permet au moins de passer un bon moment.

Buddy_Noone
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le 7 juil. 2019

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Buddy_Noone

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