"On s'en fout que ce soit vrai ou pas ! L'important c'est ce qu'ils vont raconter une fois que tu ne seras plus là !" Cette phrase prononcée par Ethan Hawke dans "The Kid" ne pouvait pas mieux tomber pour décrire la bien réelle histoire de Billy the Kid et Pat Garrett devenue depuis une sorte de puits sans fond de chimères où chacun y va de sa propre version pour en renforcer le caractère mythique. Pour son deuxième long-métrage, l'acteur Vincent D'Onofrio choisit donc d'en rajouter une couche en utilisant ces célèbres noms et leur contexte de chasse à l'homme dans une histoire tout ce qu'il y a de plus fictive.


Après avoir fait taire à tout jamais leur père violent, Rio et sa soeur prennent la fuite pour échapper à leur oncle pas très heureux du sort réservé à son frère. Sur leur route, ils croisent Billy the Kid et sa bande sur le point de se faire arrêter par le shérif Pat Garrett et ses hommes. Une fois les menottes attachées aux mains des bandits, Pat Garrett propose aux deux jeunes de se joindre à leur convoi de prisonniers...


La violence est présente dès le départ chez l'Homme (et même l'homme tout court vu la manière dont le film se désintéresse de ses personnages féminins à part peut-être la soeur) mais, lorsqu'il choisit de la faire éclater, comme le petit Rio envers son père, quelles en sont les conséquences sur les choix essentiels qui vont ensuite guider le reste de son existence ? Va-t-elle à jamais le définir ou peut-il la contenir au service d'une cause plus noble ? Ces questions, Rio va très vite être amené à se les poser au contact de Billy The Kid et Pat Garrett. Les deux hommes vont devenir pour lui des figures paternelles de substitution totalement au fait de la violence qui les habite (et qui les rapproche quelque part) mais dont les choix sur la manière de la gérer les ont conduit chacun d'un côté différent de la barrière. Sur ce plan, "The Kid" va plutôt bien traiter le déchirement du jeune garçon entre ces deux repères masculins en évitant de sombrer dans le manichéisme. Si Rio va bien évidemment être tout de suite fasciné par le bandit dont il se croit proche, ce dernier présenté comme populaire et même trop bon pour son statut se gardera bien d'exposer immédiatement ses facettes les plus sombres pour subtilement utiliser son aura sur le garçon. De même pour Pat Garrett et la plupart des hommes de loi présents dans le film, dans un premier temps et comme le dira le meneur, leur insigne paraît être le seul élément capable de canaliser la violence qui bouillonne en eux. Laissant finalement une impression de froideur pire que les bandits, Rio fera l'erreur, dans un premier temps, de se détourner d'eux dans le ballottage permanent entre deux camps que représente son parcours initiatique éprouvant.
Certes, les artifices pour renforcer la mise en avant de cette thématique seront parfois faciles (tout le monde trouve le temps de s'arrêter pour philosopher sur la question de la violence à travers leurs premiers meurtres) et le déroulement de l'histoire prendra la forme d'un énorme prétexte pour la servir mais, à ce jeu, "The Kid" s'en tirera avec les honneurs notamment grâce aux prestations d'Ethan Hawke et de Dane DeHaan, tous deux parfaits afin d'apporter la nuance recherchée à ces deux grandes figures (n'oublions pas de mentionner un étonnant et excellent Chris Pratt à contre-emploi, représentant, lui, une violence explosive).


"The Kid" tient donc la route par son discours mais, en tant que simple western, le film n'aura vraiment pas grand chose de neuf proposer sinon une sorte d'énième passage en revue des passages obligés du genre (de la fusillade au saloon au duel dans la grande rue, tout y est ou presque). L'histoire de poursuite et de vengeance sur laquelle il se bâtit restera très basique et ne parviendra guère à passionner (le fait de l'avoir accolée au destin de deux grands noms forcément plus attractifs n'arrangera pas l'affaire).
Si, esthétiquement, Vincent D'Onofrio fait dans l'efficacité classique du western, sans forcément briller mais en livrant une copie correcte notamment le temps de quelques séquences d'action, le metteur en scène a hélas également une grande part responsabilité dans notre manque d'implication durant le visionnage de son long-métrage. "The Kid" souffre en effet de maladresses de découpage/montage invraisemblables ! On les ressent déjà dès la scène d'ouverture mais, quand le film cherche à jouer avec les points de vue dans différents lieux ou avec la notion de temps, il se plante systématiquement jusqu'à rendre parfois aléatoire le rythme de sa narration (c'est d'autant plus flagrant avec les mini-montages chaotiques cherchant à donner l'illusion du temps qui passe). Dès lors, il devient très difficile de s'immerger complètement dans ce que le film veut nous raconter, impression d'ailleurs plus que renforcée par le jeu du jeune Jake Schur, très fade et oubliable comparé à celui de ses illustres compagnons de route (incroyable qu'un acteur de la trempe de Vincent D'Onofrio l'ait choisi pour le premier rôle !).


Bref, "The Kid" a bien quelque chose de pertinent à nous raconter mais, au final, seuls ses interprètes les plus reconnus paraissent les plus à même de nous le transmettre. Le reste du long-métrage apparaît soit bien trop classique, soit beaucoup trop maladroit pour nous y intéresser pleinement. Vincent D'Onofrio échoue donc à démontrer une vraie patte singulière en tant que réalisateur, dommage car l'acteur, lui, ne déçoit pratiquement jamais...

RedArrow
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le 27 juin 2019

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