Depuis son Lincoln, j'apprécie de plus en plus les films de Steven Spielberg. Et j'ai franchement bien aimé son plus récent opus The Fabelmans (Les Fabelman), dans lequel il raconte la naissance de sa vocation de réalisateur et les "bonnes fées", familiales ou pas, qui l'ont favorisée.

C'est un film que j'ai trouvé particulièrement riche. Il y a énormément de scènes qui sont des moments de bravoure, de grandes scènes. Comme si elles avaient été pensées et construites séparément, et s'emboîtant néanmoins parfaitement les unes dans les autres pour raconter en 2 heures trente sa jeunesse de six à dix-neuf ans, depuis le premier film vu, la première scène spectaculaire l'ayant marqué au cinéma au point qu'il ait envie de la reproduire, jusqu'à la rencontre du plus grand réalisateur hollywoodien de l'époque lui gueulant le conseil à ne pas oublier quand on démarre dans la réalisation.

Grande richesse du film et une assez grande sincérité du propos. Il nous donne l'impression de nous dire les choses à peu près telles qu'il les a vécues, même s'il nous montre que le cinéma, c'est aussi l'art de les enjoliver ou exagérer, par exemple quand les jeunes plagistes reçoivent, heureusement pour eux, dans les yeux ou la bouche non pas les déjections de mouettes ou autres goélands, mais des cuillérées de crème glacée.

Grande maestria dans sa façon d'évoquer sa famille, ses parents, ses sœurs, ses grands-mères, "oncle" Bennie, le bref séjour dans la maison familiale de son grand-oncle maternel, les problèmes qu'il rencontre au collège californien en tant que petit juif vis à vis des jeunes goliaths chrétiens qui l'accusent notamment d'avoir crucifié Jésus (d'ailleurs, j'ai trouvé drôle et extrêmement bien venue la façon dont il pose ou oppose les religions juive et chrétienne).

Tout ça donne lieu à une succession de scènes remarquablement brossées. Ça sent le cinéma, et il ne nous le cache pas, mais ça reste touchant et vrai, bien que ce soit un spectacle, une reconstruction filmée de la réalité et dont le but est de distraire le spectateur, car le cinéma est pour Spielberg d'abord et avant tout l'art de divertir. J'étais à l'avant-première du film et juste avant que celui-ci ne démarre, on nous a projeté une petite intro de trois minutes durant laquelle Spielberg s'excusait de ne pouvoir être à Paris avec nous pour l'avant-première de son film le plus personnel, etc. et il concluait par ces mots (dont j'ai fait le titre de ma critique) : « Enjoy the show ! ». Façon de nous dire : ce film vous raconte la naissance de ma vocation de réalisateur durant les années d'enfance et de jeunesse, mais j'en ai fait un spectacle, je n'ai pas oublié que le cinéma est un spectacle et j'ai tenu la caméra dans cet esprit, en la braquant tantôt vers le haut et tantôt vers le bas, jamais à l'horizontale, de façon à ce que mon film ne soit pas de la m...

Ce que j'ai le plus apprécié dans le film de Spielberg, et c'est sans doute ce qui lui a donné le plus de mal, c'est la façon dont il évoque ses parents et dont il remercie l'un et l'autre, son père et sa mère (sûrement disparus aujourd'hui puisqu'il a lui-même 76 ans), la façon dont il évoque les problèmes de leur couple, l'espèce de fidélité qu'il manifeste à l'un et à l'autre, à son père ingénieur électronicien et à sa mère pianiste de talent qui aurait pu faire carrière dans cette voie si elle n'avait pas craqué pour un homme et fabriqué avec lui trois enfants. On sent chez Spielberg l'espèce de déchirement qu'il a éprouvé dans son amour, sa loyauté envers l'un et l'autre, dans sa découverte de ce qu'ils étaient à la fois ses parents (un couple) et en même temps deux personnes n'allant plus forcément dans la même direction. Pour devenir ce qu'il est, Spielberg a pris à la fois de l'un et de l'autre - son père : « Il faut prendre soin de ceux qu'on aime », sa mère : « Il faut toujours écouter son cœur » - et puis de bout de film en bout de film, de succès familial ou local en "triomphe" collégial, il est arrivé dans le bureau du grand John Ford (campé de façon saisissante par David Lynch) et il en est ressorti avec la conviction qu'il était à l'orée de faire, lui aussi, de grandes choses.

Pas envie d'en dire plus, sinon que ces deux heures et demie de "spectacle" sont passées comme un joli rêve et que j'ai quitté la salle les yeux pleins d'étoiles.

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le 1 mars 2023

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Fleming

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