L’histoire de l’homme qui crût pertinent de faire un film sur lui-même…

Bon, ne tournons pas autour du pot voulez-vous et posons tout de suite la question : et si ce film n’avait pas été annoncé comme une sorte de biographie à peine voilée de Steven Spielberg, est-ce qu’on l’aurait accueilli de la même manière ?
Laissez-moi donc vous proposer une petite expérience de pensée pour commencer… Ça vous dit ?


Allez, c’est parti… On rentre dans la salle en étant vierge de toute promotion faite autour du film mais aussi sans rien connaitre de la vie de ce bon vieux Spielby et on s’enfile ces 2h30 de The Fablemans … Alors, franchement, on en pense quoi ?
Qu’est-ce qu’on pense de ce ton mièvre au possible où tout le monde parle, sourit et rit comme si on se trouvait dans une pub de l’ami Ricoré ?
Comment on reçoit cette intrigue étalant sa terrible linéarité ; reliant poussivement les points marquants de la vie d’un jeune garçon qui voulait simplement devenir réalisateur ?
…Et enfin et surtout comment on réagit face à ces caricatures de personnages où chacun ne semble réduit qu’à des versions angéliques ou diabolisées de vrais êtres humains ?
(…Au point que les quelques personnages antisémites du film aient jusqu’à des gueules de véritables Aryens ! C’est vous dire !)
Hein ? … Non mais franchement… Pris de manière brute, qu’est-ce qu’on serait en droit de penser ce film ?
(Prenez bien le temps de réfléchir avant de répondre surtout…)


Alors oui, dit comme ça – je sais – c’est sûr que ça pose un constat un peu violent à l’encontre de ce The Fablemans… Mais j’avoue que j’ai vraiment eu du mal à voir autre dans cette pseudo-biographie qu’une sorte d’expo de fin de carrière étalée sans effort et sans relief ; le sujet devant se suffire à lui-même…
« Ici la maison d’enfance de l’artiste. Là son gentil papa qui était électronicien (et qu’il était gentil son papounet !) Et juste à côté de lui sa gentille maman un-peu-fofolle-parce-qu’elle-est-artiste mais qui reste malgré tout celle qui a transmis le virus au petit Stevy ! »
…C’en serait presque si, en se baladant à travers les travées de cette reconstitution digne d’un parc Disney, on n’entendait pas la voix de l’intéressé nous faire la récitation d’anecdotes : « ah ça quand j’étais petit j’aimais bien les petits trains… Et célébrer Hanoucca avec mes sœurs… Et les bonnes blagues d’oncle Bennie…. Et sinon vous saviez ce que je faisais pour faire croire à mes parents que j’avais fini mon assiette alors qu’en fait ce n’était pas du tout le cas ? Vous allez rire… »
(Spoilers : je n’ai pas ri.)


C’est terrible mais moi, avec ce film, j’ai vraiment eu l’impression d’assister à une sorte de séance photo nostalgie ; séance à laquelle j’ai été convié alors que je n’avais pourtant rien demandé…
Alors après je peux entendre que pour certains Spielberg est une sorte de dieu-le-père et que ce genre de legs puissent être reçus par eux comme le plus précieux des cadeaux à chérir…
…Mais si on redescend juste deux minutes du nuage, il y avait-il vraiment là de quoi construire un biopic de 2h30 avec juste la jeunesse de Steven Spielberg ? …Même pas toute sa vie hein ! Juste sa jeunesse…
« C’est l’histoire d’un gamin ordinaire qui a une vie plutôt normale et qui veut devenir réalisateur… Et il le devient… »
Oui… Et ?
Ça, ça mérite vraiment qu’on s’y attarde autant que sur la vie tout entière d’un Gandhi, Churchill ou autre Mandela ?
Permettez-moi de rester sceptique jusqu’au bout…


Mais bon, après c’est vrai que ça reste un film réalisé par Steven Spielberg…
Même avec un sujet aussi indigent que celui-ci, il peut être capable de temps en temps de fournir quelques fulgurances. Ainsi quelques scènes ont su m’éviter le total ennui et la sortie de salle…


Je pense notamment à ce bref moment où le petit train miniature du jeune Sammy devient l’imposante locomotive du Plus grand chapiteau du monde. Je pense aussi à ce passage succinct mais efficace de l’oncle Boris, posant l’opposition entre passion et famille. Et enfin je ne trouve pas totalement inintéressante l’opposition entre Logan et Sammy juste après la projection de Ditch Day...


…En ces brefs instants, Spielberg parvient à parler de cinéma ou à faire parler son cinéma. On sort alors ponctuellement de la séance sirupeuse de diapos avec papy et c’est toujours ça de pris...
Malgré tout, et à bien tout prendre, je trouve tout de même bien triste que d’avoir à se contenter – une fois de plus – de « juste ça » de la part de Steven Spielberg.
Après son West Side Story sorti presque un an et demi plus tôt, cela fait la deuxième fois où l’un des auteurs les plus emblématiques du Nouvel Hollywood préfère regarder dans le rétroviseur plutôt que de tenter d’aller de l’avant. Hommage aux plaisirs d’hier et séance de vieil album photo sont, pour le moment, les seuls horizons dont semble vouloir – ou pouvoir – nous gratifier ce bon vieux Spielby…
Après plus d’un demi-siècle d’une carrière des plus prolifiques, moi je dis que tout ça sent un peu le sapin… Artistiquement parlant s’entend.


Mais bon, ça, seul l’avenir nous le dira…
Alors croisons bien les doigts et qui sait,
Peut-être qu’au final, pour notre prochain Hanoucca,
D’un heureux accident, le bon Stevy saura nous récompenser…

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le 5 mars 2023

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