Richard Kelly nous proposait de l'éloquent, du visuel et du bizarre avec un certain talent dans ses précédents films ; force est de constater que s'il parvient à instaurer une certaine continuité dans les codes qu'il s'est donné, son contrat avec le cinéma n'est ici plus aussi bien honoré.

Le seul choix de faire reposer une tension dramatique telle que son scenar l'exige sur les frêles épaules de la pas vraiment sartrienne Cameron Diaz questionne : toujours plus belle, mais toujours pas un grande comédienne...et pourquoi "pas satrienne" ? Parce que Kelly a fait le pari ambitieux de baser le synopsis de son métrage sur quelques références ultra-classiques à Jean-Sol Partre, soit "l'enfer, c'est madame Gomez", et "on n'a que le choix dans la vie".
Evidemment, les références s'embourbent dans une application catastrophique, et desservent finalement le propos : ainsi, le fameux choix, symbolisé ici par la mystérieuse boite, et -SPOIL- finalement révélé comme un outil d'évaluation de notre humanité, la décision d'appuyer sur le bouton faisant comme on s'en doute chuter le taux à zéro.
Ce n'est pas tant la noble volonté d'injecter une dose de philosophie dans son oeuvre que l'on reproche au réalisateur, mais sa lecture quelque peu puérile des thèses qu'il traite. On invitera donc Kelly à relire L'existentialisme est un Humanisme, et à se rendre compte que c'est précisément parce que l'on ne peut pas évaluer un être humain par rapport à un autre en droit, que le choix de l'homme s'avère une nécessité. Ainsi, envisager ce choix à la manière d'un jeu ou d'une expérience sociologique nous apparait comme particulièrement fallacieux.

Donnie Darko, et dans une moindre mesure Southland Tales avaient attisé notre intérêt par la variété des registres qu'ils recelaient. Au service d'histoires certes quelque peu fouillis, Kelly mettait en place tout un appareillage d'ambiances contradictoires rappelant fortement le meilleur de Lynch (l'apparition incongrue d'un personnage tout autant incongru au milieu d'une route ressemble à un hommage on ne peut plus appuyé).
Ici, fi du bordel ambiant qui confinait à l'étude de moeurs décalée, au profit d'un moralisme pompier : dans The box, toutes les scènes sont empesées dans un esprit de sérieux parasitaire, une lourdeur et une prétention au tragique que la crédibilité toute relative des comédiens abolit systématiquement.
Bien dommage pour celui qui jette un oeil nostalgique au numéro d'acteur génial de Dwayne Johnson dans Southland Tales (à ce point excellent qu'il l'a en partie repris dans Pain and Gain), ou à la maturité du jeune Gyllenhaal dans Donnie Darko.

L'on peut conserver au rang des satisfactions la reproduction criante de naturel des années 70, tant dans l'ambiance pourvue par les décors que dans le positivisme scientifique se dégageant des dialogues et de certaines situations (le père travaille à la NASA, son fils est passionné de SF), et le retour de certains délires graphiques à base de liquides et de cercles, prouvant ainsi que Kelly n'est pas non plus devenu un handicapé de la caméra.

C'est bien malheureusement le peu dont il faudra se contenter ; bien insuffisant pour contrebalancer un scénario bancal, et surtout un propos bêbête et/ou prétentieux (selon le point de vue que l'on adopte), un écueil indigne des précédentes tentatives de son auteur.
T_wallace
3
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Créée

le 16 juil. 2014

Modifiée

le 16 juil. 2014

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T_wallace

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