La mélancolie diffuse de Stand by Me refuse de tomber dans le mélodrame, soucieuse de rester sur une ligne instable qui trouve dans le récit sa traduction visuelle en cette voie ferrée que suivent les gamins une heure durant, à la fois métaphore d’un destin contre lequel il serait inutile de lutter et signe d’une liberté d’entreprendre. Stephen King, auteur ici adapté, affirme d’ailleurs que rien ne raconte mieux l’enfance que la thématique du voyage : le quatuor d’amis, quoique caractérisé lors d’une introduction assez lourde, advient par l’expédition entreprise, et les individualités schématisées par le narrateur adulte échappent en partie au balisage moral et simplificateur pour s’éprouver face aux événements. Nous retrouvons la tension chère au romancier entre deux âges, et la contamination progressive mais certaine par le monde adulte de celui des enfants. Il n’est pas anodin que leur marche soit orientée en direction d’un corps qu’ils sont, au demeurant, certains de trouver ; Rob Reiner s’en saisit comme d’un mobile apte à mettre en route les compagnons, filmés avec élégance et simplicité, sans la grossièreté parodique et burlesque d’un Goonies (Richard Donner, 1985) sorti un an auparavant.
Le paradoxe tient alors au contraste entre la douceur de la photographie, qui cultive les beaux plans et les cadrages iconiques, et la sècheresse tonale, le film étant porté par une musique discrète et minimaliste occupée à décliner la chanson de Ben E. King. Dès lors, la magie de l’enfance échappe aux artifices habituels pour se révéler par la complicité d’amis véritables, en opposition à la bande de voyous solitaires qui redouble leur périple ; elle s’estompera par petites touches, depuis l’arme à feu sortie en guise de pétard à la détermination manifestée par Gordie à offrir à la dépouille une prise en charge anonyme. L’écriture du roman, mise en abyme du long métrage tout entier, célèbre ainsi la beauté d’une tranche de vie qui n’a d’importance que pour ceux qui l’ont vécue, mais qui peut résonner en chacun par ce refus du feu des projecteurs.