Nous ne cessons de nous demander, deux heures durant, pour quel public Astérix et Obélix : L’Empire du Milieu a été réalisé. Trop woke pour les Gaulois, trop gaulois pour les wokes, leurs aventures mêlent mal d’une part l’humour référencé, parfois osé – « femme pas fraîche », « il n’est pas près de la revoir, ma petite pyramide » etc. – à destination des adultes, d’autre part le divertissement familial plein de rebondissements et de situations comiques dans un cadre dépaysant, à l’instar des deux premières adaptations (Zidi et Chabat). Elles manquent cruellement d’enjeux, la faute à un scénario indigent qui s’obstine à réviser la notion de virilité, comme le faisait récemment Nicolas Bedos dans le mauvais OSS 117 : Alerte rouge en Afrique noire (2021), sans que cette révision n’ouvre sur une remise en perspectives de l’univers investi et des héros qui le dynamisent. Astérix reproduit la dégradation du personnage de Guillaume dans Rock’n Roll (2017), mais ne bénéficie pas d’une seconde partie hybride lui offrant métamorphose et renaissance en monstre : il tente de s’affranchir de la potion magique et de la consommation de viandes pour devenir un héros à part entière, échoue et se rabiboche avec son meilleur ami pour, à terme, engloutir du sanglier en buvant de la cervoise…

Dans ce retour au point de départ ne compte pas même le voyage, périlleux saut de puce entre les continents qui juxtapose des saynètes peu drôles et mal mises en scène. Le long métrage dispose d’un tel pouvoir de dispersion que ne restent en mémoire après générique ni prestations d’acteurs ni séquences marquantes ; il se passe et disparaît aussitôt la porte de la salle franchie. Nous retrouvons le goût de Canet, qui signe deux fois son film (début et clausule), pour la chanson populaire qui engendre des clips parodiques plutôt réussis, quoique repris dudit Rock’n roll ; pour le reste, il ne manifeste aucun talent dans la mise en scène comique et épique, échouant à faire rire et frissonner son spectateur alors que tous les éléments semblent rassemblés. Même la musique originale que signe -M-, affreuse et honteuse des plagiats auxquels elle recourt (Kung-Fu Panda entre autres), échoue à insuffler ces registres.

Donc, à destination de qui cet Empire du Milieu a-t-il été mis en chantier ? Plusieurs réponses possibles : de Canet et ses amis, à qui il distribue des rôles comme un monarque dispense ses largesses ; des producteurs qui essaient de raccorder la mythologie Astérix à une modernité qui ne saurait l’accueillir. Mais certainement pas à destination du public, jamais considéré par ce triste spectacle autocentré.

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le 1 févr. 2023

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