• Theire will be spoilers


Je pense être tout à fait légitime lorsque je clame haut et fort être un immense fan de l’Homme Araignée. Alors que j’écris ces lignes en écoutant l’éternel chef d’œuvre musical composé par Danny Elfman, je repense encore au tournant décisif qu’a représenté le premier film de Sam Raimi dans ma vie. Je ne sais plus la première fois que j’ai vu ce film, peut-être avait-je tout juste trois ou quatre ans. Mais sans que je m’en rende compte, ce dernier avait véritablement joué un rôle dans ma personnalité, il n’a jamais cessé de me guider. Dites-vous que si je suis là à écrire sur SensCritique après une journée en faculté de cinéma, c’est parce qu’à un moment donné, la vision qu’a eu Raimi sur Spider-Man, il a réussi à l’insuffler chez moi, et à m’inspirer. J’ai beau avoir vu mille et un films, indirectement, je reviens toujours à celui-ci, comme s’il était la diégèse de quelque chose qui me dépasse, comme s’il était l’éternel alpha de la constellation de ma cinéphilie, le point de départ, l’ancrage, bref, ma référence absolue.


Et du *Spider-Man* depuis 2002, qu’est-ce qu’on a pu en bouffer. D’abord avec la brillante trilogie de Raimi qui parvenait avec malice à questionner à chaque volet la moralité d’un personnage aux pouvoirs incommensurables. Puis avec les sympathiques volets de *Marc Webb*, qui malgré des scénarios plus que brinquebalants, témoignaient d’une vraie admiration pour le personnage inventé par feu **Stan Lee**, tout en lui apportant un souffle de modernité qui faisait beaucoup de bien. Et enfin, le Spidey du **MCU**, plus ancré dans le moule de production à la **Disney/Mavel**, peut-être plus axé sur des enjeux de divertissements. Parce que moi, je ne vais pas vous le cacher, le Spidey de **Tom Holland**, j’ai beau le trouver sympathique, il a toujours été pour moi une version très mineure du Tisseur. **Andrew Garfield** avait la fougue et la passion qui le rendait fort attachant, **Tobey Maguire** avait cette écriture aux petits oignions qui faisait que n’importe qui pouvait s’identifier à lui. 
Bref, quand je me suis retrouvé devant *Spider-Man Homecoming*, j’ai conspué comme un sale connard devant ce film qui, à mon sens, reste encore aujourd’hui la pire production sur grand écran qu’on ait pu faire de ce super-héros. Puis vint *Far From Home*, qui se voulait beaucoup plus généreux en action et en humour et qui, malgré son manque de finesse constant, arrivait à me faire passer un bon p’tit moment de cinéma pop-corn estival. Donc quand *No Way Home* a pointé le bout de son nez, j’ai décidé que je n’en avais rien à faire, que j’irai le voir, mais que je n’allais pas bondir excité de mon lit le 15 décembre 2021. Alors évidemment, pour attirer les plus sceptiques, dont je fais partie, Marvel a joué la carte de la facilité, celle contre laquelle je ne pouvais rien, il a sorti son joker parfait : Tobey. Tobey fucking Maguire, celui-là même qui avait guidé mes pas de jeune homme. Et pourtant, j’ai gardé la tête froide, peut importe la présence de Maguire, **Dafoe**, **Molina** à l’écran, ce que j’attendais surtout de ce *No Way Home*, c’était un bon film. Un film qui ne se contente pas de me jeter un à un des petits clins d’œil pour satisfait mon égo de fan éternel, un vrai film, avec une vraie histoire et de vrais enjeux.
Et force est de constater que *No Way Home* tombe exactement dans le piège qu’il s’était tissé (aha). *No Way Home* n’est pas un film, c’est un produit. Pire encore, *No Way Home* est un délire de scénaristes qui ont laissé libre cours à leurs lubies les plus farfelues en se disant que « sans doute, ça allait faire plaisir aux vrais fans ». Alors oui, c’est sûr, rejouer le meme des Spidey qui se pointent du doigt, c’était drôle. Faire la blague de Maguire et sa toile organique, c’était rigolo. Pareil pour faire revenir tous ces méchants enterrés depuis si longtemps, pourquoi pas après tout. Mais voyez-vous, enchaîner les clins d’œil et les plaisirs de fans ne suffit pas à faire un film, ce qu’il faut, c’est donner du corps à cet ensemble, lui donner une cohérence, un tout solide qui justifierait la présence d’un tel bestiaire de vilains et de super-héros à l’écran. Et force est de constater que jamais les scénaristes ne se sont attardés sur cette question.
Pire encore, le film ne cesse de construire des attentes pour tout faire retomber comme un soufflé. C’est simple, le film ne sait jamais sur quel pied danser et passe son temps à basculer d’une idée à l’autre sans trouver ni cohérence ni transition potable. A l’image de l’arrivée anti-spectaculaire de Maguire où ce dernier se contente de faire un « salut » peu concerné à la caméra après une entrée dans le champ tout sauf marquante.

Le film dans tout ça ?


Le récit donc prend suite après les évènements de *Far From Home*, l’identité de Spider-Man est révélée et ça n’a pas d’incidence plus grave que d’empêcher sa copine et son meilleur ami d’entrer dans une université de haut rang (c’est dire le temps de réflexion que les scénaristes ont dû passer pour nous trouver un enjeu plus important que celui-ci). Afin de remédier à tout cela, Peter demande à Strange de le faire oublier de tous, le sort échoue, le multivers s’ouvre et voilà une flopée de méchants qui traversent les dimensions pour casser la gueule à ce pauvre Tom Holland. Mais plutôt que de les renvoyer dans leurs mondes respectifs, là où le destin les mènera forcément à la mort, ce dernier tente de les ramener à la raison en…leur retirant leurs pouvoirs. 
Et en vrai, pourquoi pas ? En soi, n’est-ce pas l’objectif de Spider-Man après tout ? Ses ennemis ont beau être des méchants, ne méritent-ils pas d’être guéris plutôt que d’être assassinés pour sauver l’éternelle veuve et orphelin ? A vrai dire, cette idée de vouloir sauver les méchants au détriment de sa propre personne, c’est ce qui fait un véritable héros, celui qui se sacrifie au service des autres, mêmes des moins méritants. Et à ce moment-là, j’ai cru au film. Pour la première fois, je ne voyais plus Tom Holland comme un gamin dans un costume high tech beaucoup trop chic pour lui, mais comme un vrai Spider-Man, celui qui endure son rôle et qui surtout, l’accepte.
Parce que c’est ça pour moi Spider-Man, cette idée fondamentale qui parcourt toute la trilogie de Sam Raimi et qui, par conséquent, fait qu’il reste ma référence. Le Peter Parker de Maguire a toujours eu le choix d’être ou non Spider-Man, ce n’est que quand il a compris qu’il pouvait choisir et qu’il a décidé d’endosser le rôle, qu’il est devenu un véritable super-héros. Devenir Spider-Man n’a jamais été un privilège, c’est une malédiction qu’il faut assumer, Peter Parker ne devient héros qu’une fois qu’il a passé ce cap et enfin…Holland semblait prêt à le franchir.
Et puis il a fallu que tout retombe une nouvelle fois comme un soufflé. Que tous les procédés narratifs se cassent la gueule un à un, que tous les choix scénaristiques les plus alambiqués soient choisis. Non, blesser mortellement tante May, la faire relever comme si de rien n’était pour la faire mourir deux minutes après, juste le temps qu’elle sorte son discours du « grands pouvoir, grandes responsabilités », je ne suis pas d’accord. C’est trop facile, trop grotesque, trop ridicule. Pareil pour la blessure mortelle que Tobey se prend à la fin pour finalement se relever en disant qu’il a connu pire. Pareil pour les prises de positions des vilains. Comment Sandman peut se ranger du côté des ennemis quand ce dernier veut simplement retourner dans sa dimension. Comment Norman Osborn peut être à ce point coopératif avec Peter pendant toute une journée pour redevenir le Bouffon Vert à la dernière seconde. Comment Maxwell Dilon peut redevenir pote avec Spidey Garfield une fois que celui-ci à perdu ses pouvoir. Comment Dock Ock peut demander aisément à Spidey Maguire comment il se porte depuis tout ce temps en plein combat final ? Et surtout…comment Spidey Holland peut être con au point d’inviter cinq ennemis mortels dans son appartement, en se disant qu’ils allaient docilement se faire retirer leurs pouvoirs !!!
Et même au niveau des gags ils vont beaucoup trop loin. La blague de Maguire qui produit sa propre toile, c’est rigolo cinq secondes, pas besoin de revenir dessus pour un dialogue complet d’une minute. Faire une p’tite référence au « my back » de Maguire, pareil, c’est rigolo, mais ça ne l’est plus quand Garfield lui fait un massage du dos.
Quant à la mise en scène, c’est un carnage. Je trouve ça spectaculaire la façon dont **Jon Watts** gâche toutes les scènes de voltiges. Effectuez cet exercice avec moi. Quand vous repensez aux scènes de voltiges chez Raimi ou Webb, il y a forcément des images nettes et claires qui vous viennent à l’esprit, une pose, un balancement en particulier (Maguire devant le drapeau américain ou Garfield lançant la toile à l’écran à la fin du premier film). Chez Jon Watts, jamais on ne parvient à se concentrer sur un quelconque instant, la caméra est constamment en mouvement, l’image n’est jamais lisible, on ne comprend rien. C’est dire, la scène de voltige finale veut nous présenter un nouveau costume de Spider-Man, mais je suis incapable de me le figurer dans mon esprit tant le film n’a jamais pris le temps de me le montrer calmement. Et bien c’est pareil pour les scènes de combats. On pourrait penser qu’un combat au corps à corps contre le Bouffon Vert reprenne à peu près la mise en scène simple mais efficace de Raimi (à savoir peu de coupe et des plans à échelle humaine), mais non, on alterne constamment les échelles de plans variables avec des coupes toutes les secondes. Résultat ? Jamais on ne sent les coups portés aux corps. Et ça, c’est un problème récurrent dans tous les combats, donc autant vous le dire…non, je n’ai pris aucun plaisir à voir ces scènes d’action.
Donc au final, que nous offre ce *Spider-Man No Way Home.* Beaucoup de revenants, mais jamais au service d’un récit construit ou de combats convaincants. Beaucoup de blagues tirées en longueur et une histoire qui aurait pu se régler en cinq minutes si Spidey Holland n’était pas une tête de mule doublé d’un naïf exacerbant. Conclusion ? Un film très embarrassant à regarder, surtout si, comme moi, vous avez eu la mauvaise idée d’aller à une séance où des gens hurlaient à la moindre apparition. J’en retiens quelques idées sympas mais toujours avortées par des choix narratifs douteux. Donc non messieurs **Chris Mckenna** et **Erik Sommers**, construire tout un film sur le fan-service, ça ne fonctionne pas. Au mieux, ça enjaillera les idiots de twitter qui hurlent au chef d’œuvre parce que Tobey est revenu après quatorze ans, au pire, ça entachera l’image qu’une grande partie du public avait de lui. Que *No Way Home* soit mauvais, à vrai dire, je m’en fiche, mais était-ce si nécessaire de faire revenir tous ces héros de mon enfance pour le simple plaisir de les revoir ? Franchement, j’en doute.

Créée

le 23 avr. 2023

Modifiée

le 15 déc. 2021

Critique lue 445 fois

6 j'aime

James-Betaman

Écrit par

Critique lue 445 fois

6

D'autres avis sur Spider-Man: No Way Home

Spider-Man: No Way Home
ConFuCkamuS
3

Amazing Disgrace

Ouvrir la porte aux univers alternatifs, c'était le prétexte idéal pour abolir toute forme de cohérence dans une saga. Repartir à zéro ? Ressusciter les morts ? Ramener les anciennes versions ? Tout...

le 15 déc. 2021

92 j'aime

9

Spider-Man: No Way Home
B_Jérémy
6

Une lettre d'amour au fan service

Spider-Man, saga Sam Raimi : " Quelle que soit la situation à affronter, quelle que soit la bataille qui fera nos jours, nous avons toujours le choix. Ce sont nos choix qui déterminent qui nous...

le 20 déc. 2021

73 j'aime

86

Spider-Man: No Way Home
Ketchoup
7

On la voit partout Zendaya!

Se préparer à être déçu, c'est le meilleur moyen d'éviter toute déception. Cette phrase dite par Zendaya au cours du film résume très bien mon appréhension de ce dernier. Je ne vais pas le juger...

le 17 déc. 2021

69 j'aime

60

Du même critique

Coupez !
James-Betaman
4

Tout l'art d'être critique (ou pas)

Le principe même de ce remake avait de quoi intriguer. Ce n’était pas une première pour Michel Hazanavicius de se réapproprier une œuvre filmique afin de lui insuffler un vent de modernité (et son...

le 29 janv. 2023

55 j'aime

28

After - Chapitre 1
James-Betaman
1

Le digne successeur de 50 Nuance de Grey... On pouvait pas espérer mieux

Hier soir, je me suis couché en me disant que la nuit porterait conseil pour ma critique d'After. Tu parle ! J'ai passé la nuit à cogiter dans ma tête, cherchant un truc bien à dire sur ce...

le 18 avr. 2019

52 j'aime

12

The Kissing Booth
James-Betaman
1

La pire représentation de la jeunesse que j'ai pu voir dans un film

J'ai eu une discussion avec un ami sur beaucoup de choses, notamment sur la société et les jeunes. Cet ami, qu'on va appeler Jack, parce que ça sonne bien, m'avait livré ce qu'il considère comme...

le 15 août 2018

46 j'aime

15