Le principe même de ce remake avait de quoi intriguer. Ce n’était pas une première pour Michel Hazanavicius de se réapproprier une œuvre filmique afin de lui insuffler un vent de modernité (et son humour si fin). La Classe Américaine n’était-il pas lui-même une parodie sur le cinéma classique hollywoodien et sa virilité exacerbant ? Et les OSS 117, n’étaient-ils pas à leur tour une appropriation du film d’espionnage des 60’s pour leur donner un souffle nouveau et un regard critique ? Donc quand ce dernier a annoncé réaliser un remake de Ne Coupez Pas, petit chef d’œuvre low cost japonais sorti trois ans plus tôt dans nos salles françaises, je me suis simplement dis « pourquoi pas ».


Mais ce « pourquoi pas » s’est vite transformé en crainte face aux premières images. Un remake plan par plan de l’original, il avait intérêt à ce que cette appropriation française soit solide. Ou peut-être, Hazanivicius comptait sur le peu de reconnaissance qu’avait connu le film nippon en France. Il faudrait lui poser la question tiens.


Parce qu’au final, ce Ne Coupez Pas n’est finalement pas l’œuvre d’Hazanavicius, c’est l’œuvre d’un opportuniste. Et pire qu’un opportuniste, Hazanavicius est un opportuniste cynique.


Réaliser un remake plan par plan de Ne Coupez Pas demande une rigueur assez intelligente que le film prétend avoir. Oui, Coupez s’assume comme un repompage du film original, la preuve en est, cette volonté est pleinement présente au cœur même du métrage. Les évènements du film de base sont même intégrés dans la diégèse du film d’Hazanavicius, c’est dire à quel point il assume son statut de copier/coller. Le public ne s’y trompera pas. Même sans savoir qu’il s’agit là d’un remake (chose que la presse semble passer sous silence), le spectateur comprendra assez vite la nature de ce qu’il a sous les yeux. Alors pourquoi ai-je l’impression qu’Hazanavicius s’approprie toute la gloire ?


Parce que oui, cette volonté de dire « je fais un remake » n’est pas vaine de la part d’Hazanavicius. Elle est le fruit d’une démarche autérale et d’une vision du réalisateur sur la production de films à petit budget. Hazanavicius se moque des séries Z, des productions flemmardes et des facilités d’écriture. Ce qui est déjà tout l’inverse du Ne Coupez Pas nippon qui prônait la débrouillardise d’une équipe technique autour d’un film fauché. Ici, les films fauchés sont mauvais parce qu’ils sont faits par des opportunistes, des flemmards qui se fichent de la qualité de leurs œuvres, tant que c’est vu par les masses de spectateurs aveugles quant à la qualité de l’objet filmique. Ça, je peux l’entendre et je trouve ça même judicieux de la part d’Hazanavicius d’intégrer cette morale dans son long-métrage. Ça lui donne une nouvelle couche de mise en abîme qui apporte un certain renouveau à la formule originelle. Là-dessus, Michel, bien joué.


Mais s’il suffisait d’être cynique et moqueur pour faire de Coupez un bon film, ce serait trop facile. Parce qu’il y a bel et bien un truc qui me chiffonne et qui m’a fait souffler du nez tout le long du film, c’est à quel point Hazanavicius a été flemmard. Mais là où ça devient vicieux, c’est qu’il s’approprie tous les gags du premier film et compte sur le fait que le public français les découvre à travers le sien. Alors oui, ce sera le cas de la majorité du public français, la preuve en est, la salle dans laquelle je me trouvais étais hilare tout du long. Sauf que moi, vu que je suis con, je m’étais rematé Ne Coupez Pas deux heures plus tôt. J’étais donc face à un véritable repompage de gags, certes, très amusants, mais désolé Michel, ce ne sont pas les tiens.


Et au final, quand on fait le comparatif, qu’a donc véritablement apporté Hazanavicius ? Absolument rien. Enfin si, pas tout à fait. Quelques gags nouveaux viennent s’ajouter au film français. J’aime tout particulièrement la verve anti-capitaliste du personnage de Raphael (Kou Chan dans le film nippon), brillamment interprété par Finnegan Oldfield. De même pour celui de Jean-Pascal Zadi, hilarant dans chacune de ses apparitions et qui ne connaît pas d’homonyme dans le film de base. Ça, ce sont des idées nouvelles et surtout, brillantes. Parce que chaque nouveau gag m’a sorti de ma torpeur et m’a même fait rire aux éclats. C’est donc rageant de voir de si bonnes blagues, mais trop rares pour que je puisse attribuer un semblant de reconnaissance à Hazanavicius.


Ce qui revient à me faire dire que Michel Hazanavicius n’est que l’ombre de lui-même. Parce que cet exercice de réappropriation d’un genre, et même d’un film (car OSS 117 était déjà lui-même un remake), ce n’est pas nouveau pour lui. Alors pourquoi tout sonne faux dans cette nouvelle tentative, cette fois-ci du côté de la série Z et du cinéma japonais ? Si ce bon vieux Hubert Bonisseur de la Bath était appréciable, c’est parce qu’il était le reflet d’un personnage cliché (l’agent secret masculin) et aux poncifs datés. Un personnage auquel on posait un regard moderne, critique, mais pas dénué de tendresse, d’où la judicieuse mise en abîme qui s’en dégageait. Mais dans Coupez, il n’en est rien. Effectivement, Hazanavicius pose un regard sur la production de film de série Z, sur la réappropriation culturelle par un autre pays, sur la mécanique du remake et sur la paresse de réalisation, mais il tombe lui-même dans les torts qu’il critique justement. Coupez n’est jamais malin, jamais judicieux, et surtout, il n’est jamais inventif ! Il est paresseux, opportuniste et profondément cynique. Je ne peux pas dire que je suis déçu parce que je m’y attendais un peu. Mais j’espérais au moins de la part d’Hazanavicius, qu’il se sorte les doigts du cul un instant et qu’il s’implique véritablement dans sa démarche. Se moquer des remakes plan par plan, c’est bien, mais ça l’est quand c’est fait intelligemment.


Donc ouais, ce Coupez, il me tape véritablement sur les nerfs et je ne peux que vous conseiller Ne Coupez Pas, qui lui, était une vraie pépite d’inventivité et d’astuce. C’est juste dommage parce que ceux qui iront voir l’original après celui-ci auront l’impression d’avoir déjà tout vu, mais avec moins de moyen et en japonais (ce qui leur paraitra sans doute moins accessible). Ça m’emmerde donc d’imaginer Hazanivicius se faire applaudir à Cannes quand on voit le peu de travail qu’il a investit dans ce projet. Alors ouais, il s’est cassé le cul pour faire à son tour un plan-séquence d’une demi-heure façon film fauché, mais ça ne suffira décidément pas à me faire dire que ce remake en valait la peine.


Créée

le 29 janv. 2023

Modifiée

le 17 mai 2022

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James-Betaman

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