Spencer
6.4
Spencer

Film de Pablo Larraín (2021)

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Pablo Larrain continue sur ces films qui parlent de femmes dans une recherche d’émancipation à la suite d’un traumatisme. Si Jackie était un biopic évoquant une femme en deuil à la suite de la mort de John.F Kennedy, Emma était une fiction montrant une jeune femme utilisant la danse non pas comme un outil artistique, mais comme moyen d’exprimer une envie de s’échapper, de libération, de retrouver sens à la vie. Avec Spencer, le cinéaste chilien revient vers un biopic, mais pas sur n’importe qui. En 2016, on connaissait très peu Jackie qui était caché par ce qu’incarne son mari. Pour Diana, c’est complètement différent. Du fait qu’elle a été dans la famille royale. On sait ce qu’elle incarne et son importance.



Cauchemar à Buckingam Palace



En faisant Spencer, Pablo Larrain ne veut pas parler de Lady Diana, mais de Diana Spencer. Il la voyait non pas comme quelqu’un de la grande famille royale, mais comme une personne tout à fait normale. Mais la réalité revient toujours. Quand au début, elle se perd sur le chemin et qu’elle croise des hommes ou des femmes, on lui rappellera toujours qui elle est, qu’elle doit être dans un cadre. Par son statut, elle ne doit pas être la, mais à Buckingham Palace. Dès le début, on sent une femme voulant s’échapper, mais qui pour plusieurs raisons ne peux pas.


C’est parce qu’elle est dans la famille royale qu’on ressent toute la tristesse de cette jeune femme. Il suffit de voir toute l’appréhension dans la performance de Kristen Stewart quand elle approche de Buckingham Palace. Cet endroit évoque pour la princesse des traumatismes et un certain mal-être. L’exemple criant est quand elle va en cuisine pour manger des gâteaux, réveillant ainsi ses troubles alimentaires.


Ce qu’on s’apprête à voir en regardant Spencer est pour Diana le début d’un cauchemar qui durera trois jours. Ce week-end pour nous commun des mortels, c’est quelque chose de pas très long. C’est la période de Noël, on profite des fêtes, du partage, et des bonnes vibes naviguant autour de cette période avec les gens qu’on aime. Pour Diana, cela évoque avant tout des contraintes. La caméra ne se trompe jamais en décidant de ne jamais la quitter. On rentre avec elle dans un cauchemar.



La femme à la fenêtre



On ressent tout un enfermement pendant ces trois jours. Diana ne peut pas être tranquille, une seule seconde, du fait que les traditions doivent être respectées. Il faut qu’elle soit toujours présente. Le retard n’est pas acceptable dans cette famille. Ainsi, on éprouve un certain stress quand on suit Diana. Il y a une certaine angoisse dans ce que nous montre Pablo Larrain, mais aussi un certain étouffement.


Tout ceci s’accentue avec le fait qu’on mette des rideaux pour soit disant éviter que les paparazzi la prennent en photo. Cependant, on comprend très vite que c’est pour éviter que la princesse s’échappe de cet endroit. Le personnage de Kristen Stewart, fait face à une véritable forteresse. On peut même parler de château fort ultra surveillé avec ses murs si étroit qui ont des yeux. Cela participe au stress qu’elle peut avoir, d’une tranquillité quasi impossible et d’un répit inexistant.


L’enfermement, est aussi par les vêtements qu’elle doit mettre. Pour Diana, il ne faut pas seulement passer Noël en famille. En tant que Lady et mariée au prince Charles, c’est aussi des obligations pendant des fêtes familiale, notamment par des photos de familles qu’on verra par la suite dans des journaux, mais aussi des apparitions en public qui sont les seuls moments ou elle sort de Buckingham Palace. Elle reste pour autant enfermé par son statut. L’exemple le plus flagrant est quand on voit les tenues qu’elle doit mettre. La princesse doit suivre et respecter un dress code. Chaque tenue correspond à un repas, à un événement. Tout ceci semble si étouffant pour nous, mais aussi pour elle. En décidant de ne pas respecter le dress code, elle défie les traditions, afin de se libérer de tout le poids de son rôle.



Un huis clos sur trois jours



Tout ce que nous montre Pablo Larrain dans ce que pouvait vivre Diana Spencer pendant ces trois jours, s’inscrit dans un cinéma d’horreur. On avait abordé cette scène dans les sous-terrains ou sont stockés les desserts. Oui, cette séquence rappelle tous les troubles alimentaires, mais ce qui m’intéresse en évoquant ce passage, c’est toute cette ambiance si bizarre, si étrange qui règne. Cela en devient même angoissant, parfois déroutant. Avec le cinéaste chilien on est habitué avec son style nous propulsant vers des histoires si fortes par ce qui entoure ses personnages, nous surprend en adoptant ce ton horrifique, mais sans réellement dire que Spencer est un film d’horreur. La performance de Stewart accentue le ton. On peut ne pas adhérer, on peut trouver cela ridicule, mais en la voyant, j’ai vu une femme bouffée par ses démons du passé, possédée par des fantômes.


Le long-métrage évoque plusieurs formes de fantômes. Il y a bien évidemment le fantôme que nous montre Larrain qui est celui de la reine d’Anne Boelyn, ancienne reine d’Angleterre ayant régné entre 1933 et 1936. Non seulement, elle rêve d’elle, mais elle se voit en elle dans sa tristesse, dans sa solitude, mais aussi dans une envie d’en finir. C’est l’un des sujets de Spencer, nous voyons une femme ayant des envies de suicide. Ce qui la maintient en vie, ce sont les différents moments qu’elle a avec ses deux fils : William (Jack Nielen) et Charles (Freddie Spry). C’est aussi quand elle discute avec le chef cuisinier (Sean Harris) ou le cinéaste nous montre qu’elle peut être elle-même.


L’autre fantôme est celui qu’on ne voit pas. On ne l’aperçoit pas, mais il est très présent par des choses matérielles. C’est le manteau de son père qu’elle récupère au début du film, c’est aussi la maison de son enfance, lui rappellant des anciens souvenirs. Ce fantôme, c’est sa vie qu’elle a abandonnée afin de rentrer dans la famille royale, pensant qu’elle allait vivre une nouvelle vie merveilleuse comme un conte de fée, mais comme on le voit dans le film, on ne peut qu’observer cette femme détruite par ce système patriarcat ne la rendant pas du tout heureuse. Quand elle veut revenir dans un premier temps à la maison de son enfance, mais qu’elle est repérée par des gardes, Diana demande aux gardes de dire qu’ils ont vu un fantôme. En réalité, Pablo Larrain nous explique que la princesse a décidé d’abandonner son statut, tout ceci n’est qu’un mauvais souvenir, parce qu’elle décide de redevenir la femme qu’elle est vraiment, de redevenir heureure, et de reprendre ainsi sa vie, quand elle était Diana Spencer.


Vous pouvez également retrouver cette chronique sur Eyrio à la rencontre du cinéma

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le 8 févr. 2022

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