Le polar coréen est désormais une institution qui contient son propre cahier des charges. Sung-hyun Byun, qui n’en est apparemment pas à son coup d’essai, frappe assez juste dans le registre en prenant à bras le corps tous ses incontournables.


On pourrait faire une liste interminable des influences, au premier rang desquelles on trouvera Infernal Affairs pour son jeu d’infiltration et d’agents doubles, permettant une navigation constante entre l’univers des flics et celui des truands.


Les frissons sont multiples quant à la probabilité que le secret s’évente, et, comme toujours en pareil cas, les tentations nombreuses à basculer totalement du côté obscur de la loi, tant les rutilances du crime sont enviables. C’est là que le film joue la plupart de ses cartes : poseur, clinquant, frimeur, il fait de sa mise en scène, bien maîtrisée, une arme convaincante en faveur du luxe et de l’opulence.


Ici, on flingue avec classe, les voitures sont immaculées, les costumes impeccables et les répliques au cordeau. Si le film se prenait au sérieux, ce serait risible, mais il a l’intelligence de jouer sur tous les fronts, y compris celui de l’autodérision.


Car c’est bien le fun qui l’emporte la majeure partie du temps, au fil d’une écriture assez ludique qui malmène la temporalité, d’où les références entendues ici et là à Tarantino, et notamment la scène de l’histoire racontée aux gangsters dans Reservoir Dogs. Ce n’en est pas pour autant diablement original, ce trait scénaristique faisant lui-même partie désormais des attendus du genre. En résulte un récit à tiroirs souvent sympathique, démultipliant les revirements, les alliances et les trahisons, mais qui peinent à trouver le juste équilibre et occasionnent quelques longueurs.
En écho de ces twists, ceux des corps : les scènes de pure action raviront les amateurs du genre. Alors que le polar coréen peut avoir tendance à se fourvoyer dans une surenchère de violence souvent assez gratuite (cf. le cinéma de Kim Jee-woon avec J’ai rencontré le diable), c’est ici la dynamique et la jubilation qui prévalent. Plan séquences farfelus, choix d’angles improbables, recours à la Gopro pour suivre la projection des corps ou des savates, le champ d’expérimentation est vaste et le plaisir communicatif.


Alors on embarque, et l’on s’éclate avec la cantonade : la tôle est froissée, les murs criblés, les corps tuméfiés, l’écran griffés par cette symphonie pop’n gun.


Le goût pourrait avoir tendance à un peu écœurer sur le moment, mais n’est pas long en bouche. Et après quelques mois d’abstinence raisonnable, on en redemandera.

Sergent_Pepper
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le 29 juin 2017

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