Sans filtre par Gérard Rocher La Fête de l'Art

Critique publiée le 21 septembre 2023

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Yaya et Carl exercent les métiers de mannequin et "d'influenceur". A ce titre ils officient à une Fashion Week. Tout deux ne semblent pas se déplaire jusqu'à décider de dîner ensemble dans un restaurant chic avant d'honorer une invitation pour une croisière très haut de gamme. Ils se retrouvent alors à bord d'un navire magnifique en compagnie de passagers de la "haute société" et d'autres tentant de se retrouver au diapason. Le personnel se plie en quatre afin de satisfaire ces belles dames et beaux messieurs qui attendent avec impatience le grand "Dîner du Capitaine". C'est à ce moment qu'une tempête se fait insistante. Le Capitaine Thomas malgré les supplications de ses adjoints refuse de sortir de sa cabine laissant le navire divaguer et affronter la mer déchaînée. Le personnel et les convives vont se retrouver livrés à eux-mêmes. Les milliardaires si prompts à faire étalage de leur sang-froid et de leur dignité sauront-ils surmonter l'épreuve qui s'annonce? Rien n'est certain...

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Pour faire l'analyse de notre société il faut partir d'un fait extrême. Découvrons de plus près les personnages qui nous sont présentés. Il y a là différentes catégories: les passagers huppés, le personnel et bien entendu Yaya et Carl.

Lorsque le ciel est bleu, sur le pont d'un navire ensoleillé ou dans la luxueuse salle du restaurant, tout ce petit monde de" privilégiés de la société" s'adore, se salue, se courtise, bouffe son caviar et écluse les bouteilles de champagne. Bien entendu on discute en prenant garde de ne pas se froisser. Pendant ce temps le personnel de bord supporte toutes ces simagrées, toutes ces roucoulades et ces exigences. Quant au Capitaine, en fait ivrogne invétéré, il ne peut ou ne veut pas se montrer dans un tel état devant les convives fiers d'être à sa table à l'occasion de ce repas de gala.

La panique s'empare de l'assistance et les masques tombent. Tandis que les membres de l'équipage font face bravement à la situation, ces belles dames et beaux messieurs bien costumés pour la circonstance mais s'étant empiffrés vomissent la succulente nourriture là où ils peuvent. Dans ce flot d'immondices ils se retrouvent comme des pantins sales et ridicules, hurlants et pris de malaises. Seuls quelques-uns vont garder leur dignité dans ce désastre et un débat sur la société va s'improviser entre le Capitaine américain et communiste ressuscité et un très riche négociant russe autant alcoolisé que son interlocuteur. Personne ne se doute à ce moment qu'un autre drame va sévir et que les rares rescapés de ce désastre vont se retrouver sur une île dans un endroit complètement perdu.

Là les rôles vont alors s'inverser car à la grande surprise de chacun c'est Abigail, la préposée aux toilettes du bateau, la plus humble de tous, qui va s'autoproclamer "Capitaine" et organiser la recherche de matériaux de survie. Carl se refusant à cette tâche ingrate va être fait prisonnier et condamné à se livrer aux besoins sexuels de sa responsable. Abigail va tenter de trouver un refuge sur cette île suivie de Yaya emplie de rancune, une pierre à la main.

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Ruben Östlundest nous présente une critique assez acerbe sur l'inégalité de la société en utilisant divers subterfuges efficaces dont certains sont déjà bien connus et d'autres plus originaux. La haute bourgeoisie, l'oligarchie et la suffisance de certains personnages sont passées au peigne fin et l'on pressent un profond dégoût qui va mener ce beau monde à se retrouver à égalité avec les plus humbles dans la justice de la mort. Il nous aiguille vers le cataclysme de notre civilisation. Ceux qui arriveront à survivre à cette catastrophe ne seront pas pour autant tirés d'affaire, d'autres prendront le pouvoir sans pour autant améliorer l'humanité. La force engendrée par l'esprit de vengeance nous emmène vers un monde fort cruel où le juste milieu n'existe pas.

Par contre je n'ai pas été convaincu par la construction de cette réalisation dont les scènes deviennent excessives, longues et lassantes comme si le metteur en scène voulait nous démontrer qu'il en faut toujours un peu plus pour que l'on puisse entrer dans son argumentation.

Dans tout cela les acteurs surnagent plutôt bien, si j'ose le dire, notamment Charlbi Dean dans le rôle de Yaya, Harris Dickinson dans celui de Carl et aussi Dolly De Leondans dans celui d'Abigail, l'invitée surprise du final de cette croisière mouvementée.

Les longues minutes du dénouement de l'intrigue sur l'île semblent durer une éternité et altèrent pour de bon cette fable corrosive. Alors vraiment autant de déjà vu (La grande bouffe), autant de propos conventionnels, autant de détours pour en arriver là, c'est dommageable!

Ruben Östlundest a amassé un très grand nombre de distinctions dont deux "Palmes d'or" au Festival de Cannes pour ce film en 2022 et une autre en 2017 pour "The Square". Ce monsieur fait rarement un déplacement pour rien et je pense que cette fois-ci la "Palme" est indulgente à mon goût.

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Ce film a obtenu: La "Palme d'or" du Festival de Cannes 2022.

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Box-office France: 569 712 entrées

Note: 6/10

Créée

le 17 déc. 2023

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