Serais-je jamais déçue par un film du suédois Ruben Östlund?


Le mec réussit quand même à rafler

DEUX PALMES D'OR.


"Snow therapy" et "The Square" furent deux géniales tentatives de pointer avec brio les petites lâchetés (pour le premier) et les dérives du monde de l'art contemporain (pour le second). Chaque film- et c'est le génie de ce réalisateur- recèle des scènes cultes et marquantes auxquelles le public repense longtemps après (l'avalanche, l'irruption de "l'homme-singe" en plein dîner de gala).


"Triangle of sadness" ne fait pas exception en nous proposant cette fois une plongée en trois chapitres parmi les mannequins et les millionnaires, durant une croisière sur un yacht qui va virer au cauchemar (c'est rien de le dire). Le film s'ouvre sur un shooting de mode et donne le ton, avec la séquence "Balenciaga /H&M", très drôle et pertinente.


Nous rencontrons le superbe couple Carl/Yaya qui embarque sur le yacht, après s'être écharpés sur une note de restaurant. Östlund

excelle dans les saynètes qui mettent au jour l'hypocrisie sociale, les faux-semblants, les concepts à l'épreuve du réel (comme celui "d'égalité" financière que prône Carl devant une Yaya soudain sceptique !).


La séquence sur le yacht est extraordinaire de drôlerie, de finesse et de pertinence sur l'affligeant petit monde plein de caprices et d'ennui des nantis. Mais le capitaine, incarné par un très flegmatique Woody Harelson, nous réserve un moment de bravoure, de courage et de vérité qui a dû faire frissonner d'un subversif plaisir les jurés cannois...


"Mon gouvernement a tué Martin Luther King, Malcom X et John F. Kennedy"

Östlund se complaît dans la destruction des icônes, des masques, des façades et des vernis afin de rendre à chacun sa vérité première, de mettre les âmes à nu : indigestion généralisée, naufrage, explosion des canalisations et attaques de pirates figurent au menu des réjouissances de fin de séjour. Le réalisateur orchestre un chaos nihiliste de la plus hilarante des manières, et finit par renverser tous les rôles.


La dernière partie, autour des naufragés sur l'île, va encore révéler, un cran plus loin, le vrai visage des Occidentaux : égoïstes, incapables et paresseux. Le changement de ton d'Abigail, seule capable de faire du feu et de sustenter le groupe, va rebattre les cartes du pouvoir dans le groupe.


"Toilet-lady on the yacht, but here : captain!"

Qu'est-ce qui a vraiment de la valeur ?

Sur qui pourra-t-on compter en cas de problème ? Quel fossé entre l'image numérique et la vérité de notre être ? L'argent rend-il vraiment heureux ? Que n'achète-t-il jamais ? Vit-on dans un monde de mensonges généralisés ? Quel mal de vivre derrière les sourires affichés ?


Autant de questions inondables que nous adresse encore et toujours Ruben Östlund avec la maestria et la singularité qui le caractérise.


Un vrai régal.

BrunePlatine
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Les films qui rendent heureux et Chocs cinématographiques [2023]

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le 19 févr. 2023

Modifiée

le 19 févr. 2023

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