Pascal Laugier doit le lancement de sa carrière à Christophe Gans, le réalisateur de Crying Freeman ayant été interpellé par certains de ses courts-métrages. Il le charge du making-off de son Pacte des Loups, thriller au XVIIIe et très grand succès commercial. La contribution de Laugier est relevée et il peut alors se permettre son premier long-métrage, produit par Gans (avec Richard Grandpierre) dont la marque se retrouve à quelques occasions (l'incrustation du générique par exemple). Saint-Ange est très paradoxal, plein de son auteur mais complètement figé, dans l'air du temps (le fantastique espagnol avec L'orphelinat ou L'échine du diable ; Dark Water (2002) et Silent Hill (2006) viennent à l'esprit) et pourtant patchwork de références très variées (Franju, Bava, la Hammer) prennant l'espace sans trop s'associer aux autres.


L'investissement 'profond' se sent, mais il est découpé, portionné, sapé finalement, peut-être aussi par un déluge de ressources somptueuses. La photo est exquise, le cadre à lui seul a une extraordinaire capacité d'envoûtement, l'actrice principale est alors une des gloires du cinéma français (Virginie Ledoyen, sortant du triomphe d'Ozon, 8 femmes). Mais Saint-Ange ne se donne pas, crypte ses informations et finalement son identité sans se déterminer, y compris pour le scénario et ses issues. Laugier retient son jugement et son écriture est trop visuelle, attachée aux seuls motifs. Gans en a parlé comme d'un « film de mystère » en renvoyant à une tradition française oubliée, citant notamment Les Diaboliques et omettant peut-être Les Yeux sans Visage ; ce rapprochement est juste mais le résultat demeure frustrant, incomplet. Il est désincarné, voir glacé comme lorsqu'une raison empruntée a tout dévoré.


Cette dimension a eu un contrecoup bénéfique, car la difficulté à encadrer le film a poussé certains à multiplier les interprétations et donc prêter au film des manigances et des ambitions ne lui correspondant plus forcément. De quoi nourrir l'intérêt et nuancer le scepticisme général dont a écopé Saint Ange à sa sortie. Avec le recul, l'emprunte de Laugier devient plus évidente : on trouve ces femmes éprouvées et tordues, ces enfants brisés, la notion de sociétés secrètes et les perceptions insolites ou effrayantes allant avec. Mais ces aspects, surtout le dernier, restent à l'état de gadgets luxueux. Saint Ange ressemble moins à un premier film que les deux opus suivants de Laugier, c'est-à-dire The Secret et surtout l'uppercut Martyrs, cauchemar désespéré et fruit de la 'dépression' de Laugier suite à la mauvaise réception de Saint-Ange, justement.


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le 9 oct. 2015

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